mercredi 3 juin 2009

L'Histoire innove : Obama

L’HISTOIRE INNOVE !
L'Histoire innove : un président afro-américain est porté aux commandes de la première puissance économique mondiale.
Que vous inspire cet évènement ?
Quelles sont vos réactions en tant que personnalité littéraires ou artistique ? (planeteafrique.com)
Vous me conviez à participer à un échange, à l’occasion de la journée de la femme le 8 mars 2009 ; un échange qui porte sur ce que beaucoup considèrent avec raison comme un événement d'une exceptionnelle historicité ; c'est - à – dire, l'élection de Barak Obama, un afro-américain, à la tête des Etats Unis.
L’Histoire innove donc, mais aussitôt le constat fait avec plaisir et avec une profonde émotion, une série d’interrogations vient aussitôt à l’esprit. En effet, si l’histoire innove, pouvons- nous considérer que nous nous tournons par ce fait vers un nouvel horizon ? Si oui, s’agit – il d’un horizon nouveau …
Pour la femme ?
Pour le peuple américain ?
Pour les afro-américains ?
Pour l’Afrique ?
Voire, pour le reste du monde ?
C’est dire, si nous avons là, autant de points d’observation – qui ne s’excluent nullement- vers lesquels nous pouvons diriger notre réflexion pour tenter de situer l’évènement aussi novateur soit- il.
Je ne saurais parler d’horizon et de sa profondeur, si au préalable, je ne dégage pas les éléments fondateurs du moment que nous vivons. En d’autres termes, quelles sont les recettes de fabrications ?
Recettes de fabrication
Je ne reviens pas sur l’homme, si ce n’est pour souligner l’extraordinaire lignée d’ancêtres qui aboutissent à lui ; extraordinaire par le brassage génétique dont il est le produit. L’Afrique, bien sûr : le Kenya ; mais aussi l’Europe ; et là, c’est un véritable "assemblage" si ce qui se dit est vrai. Des ancêtres lui viendraient de l’Europe continentale : la Bretagne : Nantes ou Laval ; l’Alsace : Bischwiller ; la Belgique : Wacre… Ils en viendraient également de l’Europe insulaire surtout : la Grande Bretagne, l’Irlande et l’Ecosse. A cette galerie d’ancêtres, il faut ajouter ce qui viendrait des indiens d’Amérique.
Pour les Etats Unis, un tel mélange ne doit pas surprendre, étant donné les éléments constitutifs de la nation américaine. Il faut considérer la part "africaine" comme n’étant pas plus important que les autres ; j’y reviendrai.
J’y reviendrai, mais il faut garder présent à l’esprit dès à présent que Barak Obama est d’abord un fils de l’Amérique. Il en est le fils par ses racines certes, mais également par son adhésion pleine et entière à tout ce qui fait – et qui a fait – la nation américaine.
La recette de fabrication, c’est tout naturellement une base de formation solide, entièrement contenu dans le système éducatif du pays, une fois revenu des structures périphériques - Hawaï, l’Indonésie – des premières années de sa vie passées aux cotés d’une mère courageuse, volontaire et déterminée ; car, il fallait toutes ses qualités à Stanley Ann Dunham pour commettre le délit de miscegeneration ; en effet, ce n’est qu’en 1967 que les lois interdisant les mariages interraciaux finiront par être déclarées anticonstitutionnelles. Peut – on penser qu’une telle mère n’ait pas nourri des rêves de générosités et d’harmonie entre les être ? Peut –on penser qu’une telle mère n’ait pas placé la nécessité d’intégrité personnelle au plus haut niveau de son échelle de valeurs ? Peut –on penser que Stanley Ann n’ait pas inculqué ces valeurs à son fils, en y ajoutant l’importance de l’accueil, de l’effort personnel, mais aussi que notre dignité d’être humain est inséparable de celle de ceux qui nous entourent.
La recette de fabrication, c’est, formé et amplement diplômé, se tourner vers ceux auprès de qui on peut apprendre encore sur le cœur de l’homme, ses souffrances, ses rancœurs ; vers ceux sans lesquels l’Amérique ne serait pas l’Amérique… ceux par qui Barak Obama apprendra que "…Des mots sur un parchemin ne suffisent pas à libérer les esclaves de leurs chaines, ni à donner aux hommes et aux femmes de toute couleur et de toute croyance leur pleins droits et devoirs de citoyens" comme il le dit dans son discours du 20 mars 2008, discours qui est consacré au problème racial.
La recette de fabrication c’est aussi la profession de foi sur laquelle se fonde la démarche ; ainsi, dit Obama : "J’ai choisi de me présenter aux élections présidentielles à ce moment de l’histoire parce que je crois profondément que nous ne pouvons résoudre les problèmes de notre temps que si nous les résolvons ensemble".
Une conviction donc !
Mais, la recette de fabrication, c’est aussi s’ancrer profondément dans son temps et sa technicité, à commencer par un engagement politique local puis national, avec ses succès et ses échecs qui sont aussi formateurs les uns que les autres.
L’appel à l’unité est tout naturellement dans la recette de fabrication ; ici, ce sera le discours de juillet 2004 lors de la convention démocrate qui en donnera les piliers : l’apologie du rêve américain, mais aussi celle de la générosité de son Amérique… "Audacity of hope".
S’ancrer dans son temps, c’est aussi la mise à contribution, avec intelligence, de tous les outils que les dernières décennies ont générés ; au premier rang de ceux – ci, l’Internet, désormais incontournable.
Saisir la recette de fabrication, c’est comprendre que le 10 février n’est qu’un dévoilement…
L’Histoire innove, mais vers quel horizon ?…
Pour la femme…
L’histoire innove vers un nouvel horizon pour la femme ?
Nous ne pouvons pas raisonnablement considérer que l’élection de Barak Obama à la Maison Blanche ouvre en soi, un nouvel horizon pour la condition féminine, que ce soit en Amérique, ou bien, ailleurs dans le monde. Je veux dire par là que la femme dispose d’un horizon assez dégagé aux USA, comme dans d’autres pays européens ; en particulier, l’Europe anglo–saxonne, et plus généralement, l’Europe du Nord ; en tout cas suffisamment pour que l’évènement ne préfigure pas un bouleversement exceptionnel de la condition féminine.
Par contre, si l’horizon était ouvert, il demeurait des zones clair-obscures ; des zones à faire surgir au niveau conscient du peuple américain ; c’est à ce niveau me semble – t – il que se situe l’espoir.
Il faut être conscient en effet que la nouveauté, et donc l’important, vient davantage des débats qui ont jalonné la campagne électorale dans sa première partie, c’est – à – dire, les primaires démocrates entre Hillary Clinton et Barak Obama, que de l’élection dans sa phase finale. C’est lors de ses débats que les qualités intrinsèques de la femme en la personne d’Hillary Clinton ont été mises en balance dans les échanges sans, pour l’essentiel, considérer sa nature de femme comme un élément de controverse et donc de choix. Certes, nous ne pouvons pas exclure absolument l’impact de sentiments misogynes profonds et inavoués chez beaucoup d’électeurs ; la réponse des foules ne me semble pas avoir été dictée par ces considérations.
L’intensité du débat, je dirais même l’âpreté du combat, dans ces primaires a été à la hauteur des enjeux grâce à la qualité des deux protagonistes ; elle l’a été également grâce surtout à la capacité du peuple américain à comprendre la nature du problème dans son historicité ; sa capacité à éviter de s’engager sur les voies sans issues que sont la misogynie politique et la question raciale. Je ne pense pas que le peuple américain n’avait pas conscience du poids de ces considérations à l’heure des choix, mais il a su les dépasser magistralement, et c’est cela qui créé l’évènement ; c’est ce dépassement qui fait l’histoire. C’est ce dépassement qui replace la femme pleinement dans tous les compartiments de la vie de la société américaine ; c’est cela qui peut servir d’exemple ailleurs dans le monde pour l’accueil des femmes dans la vie de la cité.
Voila pourquoi, il n’est pas exagéré, me semble – t – il, de penser que le véritable vainqueur de ces élections, c’est le peuple américain. Cela, par le très haut niveau de sa participation aux débats. En effet, ce peuple a dû affronter lors de ces élections deux des plus redoutables démons des sociétés islamo-judéo-chrétiennes que sont le racisme et le mépris des femmes ; deux démons qui sont érigés en système.
Espérons que cette victoire sur ces démons n’est pas seulement conjoncturelle.
En attendant, bravo pour ce peuple américain !
L’Histoire innove, mais vers quel horizon ?…
Pour le peuple américain…
J’ai déjà dit ce que représente à mes yeux la campagne électorale américaine tant au niveau de la vision que l’on peut avoir sur l’affirmation de la place des femmes qu’à celui qu’à celui de la perception des minorités raciales dans la vie du pays. Dans un cas comme dans l’autre, la réponse est porteuse d’espoir dans le débat interne, mais une rechute reste toujours possible, surtout sur le problème racial ; car il est majoritairement accompagné d’un aspect matériel qui ajoute au blocage.
"Le changement arrive en Amérique" annonça Barak Obama à Chicago, le soir de sa victoire. Certes, toute sa campagne électorale a surfé sur l’idée de la nécessité d’un changement ; certes, cette idée s’est avérée mobilisatrice ; elle correspond sans aucun doute à l’attente des américains ; elle a contribué pour une très large part à sa victoire ; j’ai envie de dire et maintenant ? Non pas parce que je doute de la volonté du président à mettre son programme en œuvre, mais parce que je n’ai pas perçu ce que recouvre en profondeur le changement souhaité et attendu par les américains dans leurs différentes composantes socio-économiques. Ce qui ne simplifie pas le problème, c’est qu’à l’extérieur du pays beaucoup attendent également le changement de l’Amérique avec là aussi, une palette pratiquement infinie de diversités et donc de demandes. Y a – t – il recouvrement de ces attentes ?
"I believe we have the chance to build more equitable and just societies so that all people have the chance to control their own destinies" 
C’était en 2007, et c’était de l’Afrique qu’il parlait ; mais, cela concerne la planète entière, et ceci ne peut se faire qu’avec tous les Américains. Or, il est évident qu’il n’y a pas recouvrement des attentes.
Mais d’abord, les américains et le changement. Il est trop tôt pour mesurer l’écart, si écart il y a entre l’attente et les fait. Dans l’attente, je ne pense pas qu’elle porte sur les structures des relations entre les individus, parce que celle – ci n’est depuis toujours qu’un consensus qui se produit dans les têtes et qui mobilise d’abord en dehors de tout cadre officiel ; je songe par exemple à la guerre du Vietnam et aux luttes pour les droits civiques.