jeudi 9 juillet 2015

Saint Paul : les raisons de la persécution des adeptes de Jésus ?


Introduction.
            Tous les récits de la conversion de Saint Paul sur le chemin de Damas mettent en exergue deux questions. La première est celle que pose Jésus, accusateur, par exemple en Ac 9, 4 :
Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?
La seconde est celle de Paul qui peut paraitre comme prémices de la réponse à la première question. Paul répond en effet par une autre question :
Qui es-tu Seigneur ?
La suite des récits semble traduire un accord implicite des deux protagonistes - avec la mise en garde du Christ en Ac 26,14, "C’est en vain que tu résistes, comme l’animal qui rue contre le bâton de son maître" -pour entrer directement dans le vif du sujet : l’ordre de Jésus, et ce que Paul considère comme son "saisissement". Tout se passe comme si les possibles réponses à la question de Jésus sont entendues et ne nécessitent pas d’être déployées ni par Jésus, creusant l’interrogation, ni par Paul dans un effort de justification par exemple.
Pouvons-nous tenter de dégager ce qui pourrait être les raisons qu’avait Saint Paul de persécuter violemment les adeptes de Jésus ?

La réponse est oui ; il faut en chercher les éléments à travers l’action et l’enseignement de Paul depuis son saisissement par le Christ. Il faut en chercher les raisons dans les convictions de Paul en tant que juif pratiquant et déterminé. Pour se faire, commençons par examiner les récits du comportement de Saul avant le chemin de Damas.

Les assertions.
Elles sont de deux origines dans le Nouveau Testament, les Actes des Apôtres et les Epitres de Saint Paul ; chacune ayant sa propre optique.
Dans les Actes des Apôtres, le dessein de Saint Luc est de proposer un déploiement à visée historique et ecclésiale des premiers temps du christianisme ; et selon lui, Saint Paul est un acteur majeur de ces temps de commencement. Dans les Epitres, la visée est théologique et également ecclésiale, car la fougue de St Paul en "promoteur" du Christ sauveur n’a pas pour objet une relation d’événement, une bibliographie ni du Christ ni du christianisme ; il s’agit d’une profession et d’une proclamation de ses nouvelles convictions.
En considérant ces deux types d’assertions, nous pouvons dégager les éléments qui nous permettrons d’analyser les possibles réponses à la question de Jésus à Saint Paul, "…pourquoi me persécutes-tu ?"
Dans les Actes des Apôtres.
Dans les Actes, nous avons plusieurs assertions de la violence de Saul envers les adeptes de Jésus, d’une part comme relation de l’auteur des Actes ; ainsi, si en Ac 8,1, il n’est présenté que comme témoin de la lapidation d’Etienne, le verset précise qu’il approuvait le meurtre, et donc qu’il avait déjà la persécution en lui comme l’indiquent les versets 3 "Saul, de son côté, ravageait l'Église; pénétrant dans les maisons, il en arrachait hommes et femmes, et les faisait jeter en prison." En Ac 9,1, c’est une nouvelle étape qui est décrite, selon les Actes, dans la persécution en demandant au Grand Prêtre des lettres de mission, car son "cœur n’exhalait que menaces et mort contre les disciples du Seigneur." La volonté de détruire, d’extirper "les adeptes de la voie" est telle que le juif zélé qu’il était encore s’engageait – déjà – sur les routes, en particulier, celles qui mènent aux synagogues de Damas. Saint Luc nous présente d’autre part la persécution des adeptes de Jésus par Saul à qui il laisse la parole cette fois. En effet, en Actes 22, 4, puis en Ac 22,19-20, c’est Paul qui s’exprime, il reconnait avoir "persécuté jusqu’à la mort" ceux qui deviendront plus tard ses compagnons après sa conversion. Autant dire que Paul reconnait l’extrême détermination –jusqu’à la mort- qui fut la sienne. C’est encore lui qui parle en Ac 26, 9-11 pour dire ce qui peut apparaître comme un résumé de sa vie de persécuteur, pour reconnaitre d’avoir approuvé les condamnations à mort de ceux qu’il jetait en prison ; en d’autres termes, Paul se reconnait comme meneur de la persécution, même si ce sont les autorités religieuses qui délivraient les ordres de mission. Ainsi, les Actes de Apôtres balisent le parcours de Saul de Tarse en soulignant ou en faisant souligner l’ardeur, la fureur ou encore le zèle qui animait l’homme.
            Dans les Epitres.
Dans ses écrits, les Epitres, Saint Paul revient à maintes reprises sur sa vie passée de persécuteur. En 1Co 15, 9 pour se situer ; il écrit : "Car je suis le plus petit des apôtres, moi qui ne suis pas digne d'être appelé apôtre parce que j'ai persécuté l’Église de Dieu. Mais ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu et sa grâce à mon égard n'a pas été vaine" (1Cor 15,9). C’est en ces termes que Saint Paul s’adresse aux corinthiens, reconnaissant par-là un point crucial de sa vie, celle du juif zélé qu’il fut d’abord. Il s’agit sans doute aussi de célébrer l’honneur insigne que lui fait le Seigneur en le gratifiant d’une apparition. Il poursuit en 1Cor 15,10, "par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis et la grâce n’a pas été inefficace…"En d’autres termes, il resitue sa vie de persécuteur dans la volonté divine ! On peut dire qu’il intègre cette partie de son existence dans sa vision théologique. N’est-ce pas l’une des lectures possibles pour 1Cor 7,20-23 ? Saint Paul écrit en effet : "7.20 Que chacun demeure dans l'état où il était lorsqu'il a été appelé. 7.21 As-tu été appelé étant esclave, ne t'en inquiète pas; mais si tu peux devenir libre, profites-en plutôt. 7.22 Car l'esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur; de même, l'homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ. 7.23 Vous avez été rachetés à un grand prix; ne devenez pas esclaves des hommes. " Saint Paul est donc un "affranchi du Seigneur".
Comme dans les Actes des Apôtres, nous avons à plusieurs reprises sous la plume de Saint Paul le récit de son comportement avant sa conversion.
En Ga 1,13-14, c’est à une véritable "carte de visite" à laquelle nous avons droit, même si celle-ci était devenue obsolète du fait du "saisissement" de Saul par le Seigneur : "Vous avez entendu parler de mon comportement naguère dans le judaïsme, avec quelle frénésie, je persécutais l’Église de Dieu, surpassant la plupart de ceux de mon âge et de ma race par mon zèle débordant pour les traditions de mes pères." Et en Ga 1,23, Paul rappelle la réputation qui était la sienne dans les milieux de ceux qui suivaient Jésus. "Celui qui nous persécutait autrefois prêche maintenant la foi qu’il s’efforçait de détruire."
C’est sans doute dans l’Epitre aux philippiens que Saint Paul détaille et argumente la carte de visite du persécuteur qu’il était. Il précise en effet -Ph 3,5-6- : "Circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, hébreu, fils d’hébreu, pour la loi pharisien, pour le zèle persécuteur de l’Eglise, pour la justice qu’on trouve dans la loi, devenu irréprochable".
Pourquoi ?
Ainsi, il nous livre in extenso trois directions d’expression de sa pensée en Ph 3, 4-6, trois directions qui faisaient sa fierté avant sa rencontre avec Jésus. Trois directions qu’il ne regrette pas semble-t-il après sa conversion. Les assises de cette pensée sont :
            Hébreu, fils d’hébreu : donc circoncis le huitième jour.
            Pratique de la Loi : pharisien convaincu.
            Justice de la Loi : irréprochable dans son action.
            Zèle de la Loi : fanatique et persécuteur.

C’est donc l’affirmation, de sa judaïté, et cela, à travers :
La Loi qui doit être respectée avec zèle.
Le zèle pour pratiquer la justice.
La justice pour obéir à la volonté divine connue à travers les pères et les prophètes.

            Hébreu, fils d’hébreu.
C’est la communauté, elle qui est le corps de l’alliance ; alliance de Dieu avec un peuple qui doit demeurer séparé pour respecter l’exigence de sainteté. Or l’enseignement de Jésus et la proclamation des Apôtres après Pâques et la Pentecôte rend obsolète cette exigence de séparation et cette forme de sainteté. Ainsi, en Matthieu 15, les exigences de pureté alimentaire sont balayées. Ainsi en  Mtt 15,2, les juifs demandent à Jésus : "Pourquoi tes disciples transgressent-ils la tradition des anciens ? Car ils ne se lavent pas les mains, quand ils prennent leurs repas." Jésus répond et prolonge l’enseignement : " 15,11 Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme; mais ce qui sort de la bouche, c'est ce qui souille l'homme… 15,17 Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans la bouche va dans le ventre, puis est jeté dans les lieux secrets ? 15,18 Mais ce qui sort de la bouche vient du cœur, et c'est ce qui souille l'homme. 15,19 Car c'est du cœur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, les vols, les faux témoignages, les calomnies. 15,20. Voilà les choses qui souillent l'homme; mais manger sans s'être lavé les mains, cela ne souille point l'homme."
Dès lors, le juif Saul peut se sentir attaqué dans les fondamentaux de sa foi. Saul peut pressentir un danger imminent pour la loi, dès lors que la communauté risque de ne plus être séparée, et donc, de ne plus pouvoir respecter l’exigence de pureté, prélude à sa sainteté ; il peut le sentir comme une conséquence de l’enseignement de Jésus.
            Pharisien.
En tant que pharisien, Saul peut légitimement croire la Torah en danger, si on attaque la haie qui est bâtie autour d’elle pour la préserver afin qu’elle joue son rôle sanctifiant pour la communauté, elle-même séparée pour demeurer sainte. Se dire hébreu, fils d’hébreu, c’est se situer entièrement dans la référence aux pères, et là, Saul semble affirmer qu’il y était et qu’il y est encore après sa conversion. Tout doit tourner autour de la Torah ; et le premier niveau d’observance de la Torah est précisément constitué par les observances rituelles. Ces exigences ne sont cependant pas les seuls éléments pour lesquels Saul s’opposait si violemment aux adeptes de Jésus. Il y avait certainement un autre point que ne pouvait accepter le pharisien qu’il était. C’est un élément d’ordre théologique, et qui concerne le Temple de Jérusalem.
            Le Temple.
La centralité du Temple fait aussi la centralité de Jérusalem pour le peuple juif, qu’il réside en terre sainte ou bien qu’il soit installé dans la diaspora, et cela, pour l’ensemble des sensibilités doctrinales juives à l’exceptions des esséniens. Cette centralité résulte de la réforme d’Ézéchias, mais il résulte surtout du fait que le Temple symbolise le lieu où le peuple entre en interaction avec Dieu. Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que le temple est considéré comme la table de sacrifice du judaïsme, et comme telle, elle fait partie intégrante de l’offrande à Yahvé ; une table sans laquelle aucun sacrifice n’est valide. Or, dire que le temple est "fait de main d’homme," c’est laisser entendre qu’il est le symbole d’une idolâtrie,  qu’il est une idolâtrie.
L’idolâtrie est la pire chose pour le judaïsme ; c’est ce qu’il y a de pire pour la loi de Moïse, c’est-à-dire pour la loi de Dieu. Que l’on se rappelle Moïse justement confronté à l’idolâtrie du veau d’or ; ce fut à cette occasion qu’il eut le geste de briser les premières Tables de la Loi, celles qui furent écrites de la main de Dieu. Ce fut un sacrilège inouï ! Et Moïse l’a fait, ce geste ; et Dieu accepta que ce soit fait ! On voit donc que qualifier, même indirectement le Temple d’idolâtre, car fait de main d’homme, est gravissime pour un juif ; et ça l’est plus encore pour le pharisien de surcroit qu’était Saul. De fait, Marc parle avec raison de faux témoignages à ce propos : "Mc 14, 58 Nous l'avons entendu dire: Je détruirai ce temple fait de main d'homme, et en trois jours j'en bâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d'homme." En effet, il y a une contradiction fragrante entre le fait de chasser les marchands du temple et de s’effaroucher devant le spectacle qui transforme le Temple de Jérusalem, "…la maison de mon Père" en un lieu de mercantilisme débridé et le fait de considérer que le propos de Jésus concernait le temple, lieu de culte. L’Evangile de Jean -(Jn 2, 14-21)- propose un développement complet de l’évènement : "2 14 Il trouva dans le temple les vendeurs de bœufs, de brebis et de pigeons, et les changeurs assis. 2 15 Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les bœufs; il dispersa la monnaie des changeurs, et renversa les tables ; 2,16 et il dit aux vendeurs de pigeons : Otez cela d'ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. 2,17    Ses disciples se souvinrent qu'il est écrit : Le zèle de ta maison me dévore. 2,18 Les Juifs, prenant la parole, lui dirent : Quel miracle nous montres-tu, pour agir de la sorte? 2,19 Jésus leur répondit : Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. 2,20 Les Juifs dirent : Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras ! 2,21Mais il parlait du temple de son corps." La méprise était totale ; ou alors, c’est la mauvaise foi qui prévalut dans les témoignages selon Marc qui est fragrante. Or, Saul était présent au moment de la lapidation d’Etienne ; on nous dit qu’il approuvait ce meurtre en Ac 8,1 ; et l’une des raisons de cette lapidation est le fait de dire du temple que c’est une maison faite de main d’homme, (Ac 7, 48) radicalisant, sinon comprenant de travers les propos de Jésus.
Saul persécuteur des chrétiens qu’il croyait considérer le temple comme une idolâtrie ; et Paul pour qui, après sa conversion, le corps sera proclamé comme "le temple de l’Esprit" : "1Cor 6, 19 Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? 1 Co 3, 16 Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous ?2 Co 6, 16 Quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles? Car nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l'a dit : J'habiterai et je marcherai au milieu d'eux ; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple."
Mais, avant d’en arriver là, Saul le juif pharisien, ne pouvait accepter que le temple soit assimilé de fait à une idolâtrie.
La Loi.
La Loi pour le judaïsme est le lieu de la justice, la justice de Dieu. Saint Paul se considère sans reproche de ce point de vue avant et après sa conversion. Est-ce la raison pour laquelle il n’eut pas de réponse explicite à la question de Jésus "… pourquoi me persécutes-tu ? "? Ou bien alors, l’argumentaire de Ga 1, 14 "… je progressais dans le judaïsme, dépassant ceux de mon âge et de ma race pour mon zèle débordant pour les traditions de mes pères." doit faire office de prélude à toute réponse ? La loi donc ! Mais on se demande alors quel regard les chrétiens des origines portaient sur la loi pour que ce soit là, une des raisons de persécution ; une des raisons de la fureur de Saul contre eux. En effet, Jésus n’apparaissait pas comme mettant fondamentalement la loi en cause. Il dit être venu pour l’accomplir (Mt 5, 17-20) ; même si les préceptes de la Torah sont relativisés par endroits dans son enseignement, par exemple la guérison du paralytique à la piscine de Bethesda, (Jn 5) un jour de shabbat ; relativisés pour annoncer un Dieu d’amour. C’est ailleurs, dès lors, qu’il nous faut chercher d’éventuelles raisons, au niveau de la loi, pour justifier l’extrême violence de la persécution de Saul. Si Jésus n’attaque pas la loi dans son enseignement, mais au contraire veut la réaliser, c’est sans doute dans le redéploiement qu’il en propose que doit se situer l’origine de la fureur du juif Saul, pharisien de surcroit.
Ce redéploiement, nous le trouvons en maints endroits de l’enseignement, mais c’est surtout dans le sermon sur la montagne, Matthieu 5,6 et 7 qu’il atteint sa plénitude : les béatitudes ; ou encore dans le sermon dans la plaine où Luc en propose une autre relation : Lc 6, 20-49. Ce n’est pas tant dans le contenu du sermon, ce qui est convenu d’appeler les Béatitudes, que dans la forme, dans l’expression de Jésus quand il délivre cet enseignement, par ailleurs capital, que le juif, pharisien zélé, peut trouver matière à se rebiffer, voire à laisser éclater sa fureur. La solennité de l’enseignement tient autant à son contenu qu’à l’assurance avec laquelle il fut délivré : "On vous a dit …. Moi, je vous dis…" Tout le problème est sans doute là ; il est dans ce Moi majestueux et péremptoire. En effet, le "On vous a dit" porte sur la loi de Moïse, la loi du Sinaï, c’est-à-dire sur la loi de Yhwh, la loi de Dieu. Moïse n’était que l’intercepteur ; il œuvrait à la demande expresse de Dieu ; dès lors, sa proclamation est une proclamation divine telle qu’elle ressort aussi bien de l’Exode, du Lévitique que du Deutéronome. Le contenu de l’enseignement de Jésus ne peut être en cause, car, on peut y voir un redéploiement des Dix Commandements à la lumière du Dieu d’amour qu’il proclame par ailleurs. Par contre, l’expression de cette proclamation, l’expression de cet enseignement sous la forme "Moi, je vous dis…" est inouïe ; inouïe en cela que d’emblée, Jésus peut apparaître comme étant au-delà de Moïse ; c’est en quelque sorte l’affirmation du Fils christologique avant l’heure, avant son élaboration théologique. Nous avions trouvé inouï, parce que sacrilège, le geste de Moïse brisant les premières Tables de la Loi ; ici, c’est l’expression de Jésus, son assurance et son autorité que le juif pieux peut trouver sacrilèges. On peut donc concevoir  que ceux qui se réclament de Jésus puissent faire l’objet de persécution, car, c’est l’édifice même de la Révélation sinaïtique et l’Alliance qui en résulte qui sont mises en cause, et qui risquent de s’effondrer aux yeux de tenants rigoureux du judaïsme. C’est proprement inouï comme perspective ! De fait, cela ne peut échapper à l’intelligence vive et constamment en alerte de Saul pour tout ce qui concerne son peuple, sa foi et son Dieu. Dès lors, éradiquer ceux qui se réclament de cette voie, une voie qui veut reformuler de fond en comble la Torah, peut être pour Saul, l’expression de son zèle pour la loi ; la persécution devient pour lui un devoir sacré.
            Le tombeau vide.
Dans le judaïsme, les pharisiens croyaient à la résurrection des morts, contrairement aux sadducéens par exemple ; si on peut imaginer, selon la grande majorité des auteurs que Saul, sans nécessairement connaitre Jésus kata sarka de son vivant,  devait en avoir entendu parler à cause des démêlés et des débats qu’il eut avec les pharisiens avant sa mort ; s’il en était ainsi, Saul ne pouvait ignorer l’esprit messianique de l’enseignement et de la démarche publique de Jésus, même s’il ne s’était jamais proclamé messie. On peut, dans cette éventualité, comprendre que Saul ce soit sentit rassuré à la mort-crucifixion de Jésus, dès lors qu’un messie mort, et de surcroit par crucifixion, est inimaginable pour un juif. Cette mort apparait comme la preuve que le crucifié n’était pas le messie. Voilà qu’à partir de la pentecôte, les Apôtres annoncent la résurrection de Jésus en proclamant d’une part que son tombeau est vide, et surtout, d’autre part, qu’ils ont vu le ressuscité. Les témoignages multiples des apparitions de Jésus renversent complètement l’idée selon laquelle un messie ne pouvait mourir, qu’un messie ne pouvait être crucifié. Pour un pharisien comme Saul, bien qu’il croie à la résurrection des morts, ces témoignages ne pouvaient être que de la supercherie, car, la Loi et les Prophètes parlent de la venue du Messie, mais en aucun cas de résurrection ; d’où toute supercherie en ce sens justifie une fois encore l’extermination de ses auteurs et de ceux qui y accordent foi. C’est là qu’apparait l’importance du chemin de Damas et l’insistance avec laquelle Paul affirmera qu’il a vu Jésus. La problématique est la même que dans le cas de Saint Thomas ; pour l’un, Saint Thomas, c’est la vue des plaies qui consolide sa foi ; pour l’autre, Saint Paul, c’est l’apparition de Jésus qui l’instruit qu’il faisait fausse route par ses persécutions et qui lui assigne sa mission ; c’est cette apparition –une expérience mystique- qui change toute sa perspective du judaïsme sans pour autant le conduire à tourner complètement le dos à l’enseignement de ses pères, mais plutôt à le comprendre à la lumière de l’enseignement de Jésus venu pour accomplir la loi ; un Jésus et un enseignement sur lesquels il ouvrit la vue à Damas. La fureur du persécuteur se transforme alors en fureur du porteur de l’évangile ! Nous sommes toujours dans l’optique du zèle.
Théologie du zèle.
La persécution des premiers chrétiens par Saul relève également du concept de zèle très présent dans le judaïsme. En fait, tous les éléments que nous venons de passer en revue pour tenter de cerner les raisons de la virulence de Saint Paul, encore Saul, contre les adeptes de Jésus ont pour cadre ce zèle. Tout cela relève du zèle pour la loi.
Le zèle dans le judaïsme est un diptyque en cela qu’il présente deux facettes qui doivent constamment se répondre. L’une de cette facette est le zèle de Dieu pour son peuple ; on peut dire qu’ayant élu ce peuple, Il a des devoirs envers lui ; le zèle de Dieu donc. La seconde facette est le zèle du peuple hébreu pour son Dieu en réponse à l’alliance. Dans un cas comme dans l’autre, pour l’une des facettes comme pour l’autre, il s’agit d’une relation d’exclusivité ; une relation sans partage dans laquelle aucun élément extérieur ne doit s’insérer. Et Moïse prévient : Dt 4, 1 "…gardant avec fidélité les commandements de Yhwh votre Dieu que moi-même je vous prescris ; vous n’ajouterez rien ni ne retrancherez rien à cette parole." Saul se conformait donc à la consigne, Dt 4, 23 "Gardez-vous donc bien de peur d’oublier l’alliance scellée avec vous par Yhwh votre Dieu…" car, en Dt 4, 24, le prophète ajoute "…car Yhwh ton Dieu est Lui, un feu dévorant et un dieu jaloux." Nous trouvons là, les fondements de l’action des zélotes ; Saul en était-il ? Peut-être, mais peu importe ; sa persécution est d’abord sa manière de répondre au zèle de Dieu ; c’est sa manière de préserver l’alliance comme n’importe quel juif ; garder l’alliance. L’histoire des hébreux regorge d’actes de violences extrêmes dont la justification est le zèle pour Dieu : Phinéas, Nb 25, 6-13 ; Syméon et Levi son frère, comme le rappelle Judith, la fille de Syméon en Jdt 9, 2-4 ; ou encore les frères Maccabées ; la colère de Mattathias, 1Mc 2, 19-22, est très explicite à ce sujet. La théologie du zèle s’articule autour d’une violence dirigée contre le juif d’abord, car, il s’agit de maintenir la cohésion et l’intégrité du groupe face à Dieu, et donc d’en éliminer tout élément qui menace cette cohésion. Elle se fonde sur l’exigence de sainteté et de respect absolu de la loi ; d’où l’éradication de tout ce qui peut être cause de souillures. Ce sont là, des exigences pour lesquelles le juif pieux et zélé est fermement persuadé qu’il peut aller jusqu’à verser le sang sans la moindre hésitation ; on comprend que Saul ne broncha pas à la vue de la lapidation de Saint Etienne ; il approuvait !
Conclusion.
La persécution des adeptes de Jésus par Saul s’insère parfaitement dans le schéma du tableau qui vient d’être brossé. Que ce soit dans les Actes des Apôtres ou que ce soit dans les Epitres, l’action dévastatrice de Saul avant le chemin de Damas est soulignée sans pour autant qu’apparaisse le moindre remord. Saint Paul la reconnait, on peut la motiver ; mais, s’il considère qu’il était dans l’erreur, il ne se justifie pas pour autant ; "Je suis ce que je suis…" dira-t-il dans 1Co 15,9. Est-ce pour cela, entre autre, qu’il préconise dans 1Co 7,20 "Que chacun demeure dans l’état où il était quand il a été appelé…" ? 
En d’autres termes, ce n’est pas son zèle qu’il met en cause, mais son aveuglement tant qu’il n’ouvrit pas les yeux à Damas, dès lors qu’il considère qu’il "a été mis à part depuis le sein de sa mère" pour ce qui sera sa mission après le chemin de Damas. Ainsi, précise-t-il dans sa lettre aux Galates : "Mais, lorsque Celui qui m’a mis à part depuis le sein de ma mère et m’a appelé par sa grâce, a jugé bon de révéler en moi son Fils afin que je l’annonce parmi les païens, aussitôt, loin de recourir à aucun conseil humain ou de monter à Jérusalem auprès de ceux qui étaient apôtres avant moi, je suis parti pour l’Arabie" (Ga 1,15-16)
Bibliographie.
Les citations des Epitres et des Actes proviennent de "Nouveau Testament Interlinéaire Grec/Français."
Marchadour A. L’évènement Saint Paul ; éditions Bayard, 2009.
Baslez M-F., Saint Paul, artisan d’un monde chrétien ; éditions Fayard, 2008.
Brune F., Saint Paul, le témoignage mystique ; éditions Oxus, 2003.
Marguerat D., Paul de Tarse ; éditions Gallimard, 2000.
Badiou A., Saint Paul, le fondateur de l’universalisme ; PUF, 1997.
Cantinat J. (c.m.), Les épitres de Saint Paul expliquées ; éditions Gabalda, 1960. 

dimanche 17 mai 2015

LES ENJEUX DE LA BIOETHIQUE : HIERARCHIE DES PRINCIPES A TRAVERS LES TERMES CHOISIS Une réflexion à partir de : "Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques" par Paul Aclinou (Adacpaul)


1 -  Introduction
La bioéthique est un défi de notre temps, car elle se situe à un carrefour où nous trouvons :
            La montée de la conscience individuelle de la notion de personne et de son altérité.
            Les questionnements  sur la remise en cause ou non des concepts ontologiques antérieurs
            La science vue comme un outil.
            La science vue comme un questionnement philosophique.
            La cristallisation de nos peurs et de nos espoirs.
            La corrélation entre recherche médicale et pharmaceutique, religion et justice.
………
Ce qui veut dire que la bioéthique traite des conditions du vivre de l’individu et du vivre ensemble à la lumière des acquis mais aussi des interrogations de notre temps.
On se rend compte peu à peu que toutes les valeurs qui fondent l’être humain se trouvent, ou se trouveront directement ou indirectement reconsidérées dans l’optique bioéthique. Ce qui veut dire que les principes, parfois multimillénaires sur lesquels ces valeurs s’adossaient subissent une profonde remise en question et se trouvent soumises à une nouvelle nécessité de définition, avec des présupposés qui sont nouveaux, soit par le contexte –politique, religieux, spirituel, sociétal- ; soit par une volonté de contestation, voire polémique, qui cherche à se substituer à un débat serein.
De fait, depuis une cinquantaine d’années, voire davantage, la question de base est : qu’est – ce que l’homme ? Après des millénaires pendant lesquels la réponse à une telle question semblait aller de soi et faisait l’objet d’un consensus universel, même si celui-ci n’évite pas le poids et l’emprise des arrière-pensées qui peuvent être parfois caricaturales. Répondre à la question aurait pu être simple, si l’unanimité était faite sur les propriétés à prendre en considération comme paradigmes ; à la diversité des propriétés pour une référence, s’ajoute une diversité de signifiant qui résulte d’un renversement de perspective selon que la réponse est faite à priori ou si elle est faite à postériori, c’est – à – dire, dans ce dernier cas, en fonction de l’objectif qui est poursuivi qu’il soit clairement exprimé ou subtilement masqué. C’est là qu’entrent en scène différentes prises de positions qui traduisent des préoccupations divergentes, qu’elles soient religieuses, politiques, sociologiques, idéologiques ou sociétales…  chacune de ces préoccupations est portée par un ou plusieurs groupes de personnes, plus ou moins organisés, qui dès lors, vont tenter de faire prévaloir leur point de vue par un militantisme parfois agressif, souvent faussement inoffensif.
2 -  Les raisons d’un lexique
Au nombre des armes qui sont utilisées, figure en première place la manipulation des esprits à travers le langage notamment, le verbe comme arme et comme outil ! Ainsi, comme le dit Mgr Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, à propos de la conférence internationale du Caire sur la population et le développement du 5 au13 septembre 1994, organisée par les Nations Unies[1] :
"…on utilisait, au cours de la Conférence, un langage curieux, presque codé, dans lequel certaines expressions apparemment anodines, mais en fait ambiguës ou à double sens, revenaient régulièrement et pouvaient donner le change sur les véritables intentions des organisateurs de la Conférence"
Il apparait dès lors que la défense des valeurs passe d’une part par la connaissance des thèmes et des intentions de ceux qui les portent quels qu’ils soient, mais également par une vigilance à propos des termes qui seront utilisés, pour notamment en déceler les glissements de sens volontaires et insidieux. Ces deux objectifs, définitions explicites des thèmes de la bioéthique et inventaire du vocabulaire explicitant les glissements possibles de sens ont conduit le Conseil pontifical pour la famille à lancer le projet du "Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques" ; Ceci pour la vision chrétienne des problèmes en débat.
Cet ouvrage de plus de 1000 pages, riche et varié, -preuve de l’étendue et de l’importance des domaines de la bioéthique- se veut un approfondissement de la réflexion sur les aspects moraux de la vie dans ses nouveaux développements. C’est aussi une mise en garde pour prévenir les manipulations de toutes sortes sans pour autant s’interdire de porter la réflexion sur les problèmes actuels dans des domaines aussi divers que la théologie, le droit, la philosophie, la science, la psychologie, la médecine, la justice… etc. c’est – à dire, les questions que l’homme et ses sociétés sont amenés à affronter quels que soient les prérequis doctrinaux.
Au rang des nouvelles questions, nous avons celles de savoir ce qu’est une personne ; ce qu’est un être humain ; peut – on considérer que ces deux concepts sont identiques ? Nous avons également la question de savoir quand commence la vie… la réponse du christianisme est connue, mais celles, nouvelles que certains proposent,  mettent en avant d’autres paradigmes, sur un fond de subjectivisme, qui abandonnent les normes qui jusque-là paraissent aller de soi. Ce sont là, des questions qui doivent pouvoir être discutées de façon ouverte.
L’ouvrage se distribue en trois grandes sections :
            La première partie  -"Définition de la bioéthique" de M. Lalonde - est une introduction qui propose un examen de fond sur la bioéthique en soulignant les contextes de son émergence et en précisant les différentes étapes  de son développement.
            La seconde partie est centrée sur la famille avec les nouveaux regards qui se portent sur elle ainsi que les contextes dans lesquels ces nouvelles visions placent la problématique.
Quelques articles de cette partie : "Famille et philosophie" de H. Ramsay ; "Famille et personnalisme" de F. Moreno valencia ; "Famille et privatisation" du cardinal Alfonso Lopez Trujillo ; "famille, nature et personne" de J.-M. Meyer …
            La vie humaine est le thème central de la troisième partie ; il s’agit de porter l’attention sur les problèmes de début de vie et de fin de vie. Le problème ici vient surtout de la vision utilitariste de la vie qui cherche à s’imposer, et à imposer une éthique des intérêts. La question centrale ici est qu’est-ce que l’homme ? Ce qui veut dire que la réponse consensuelle des millénaires écoulés cesse de valoir pour tout le monde.
Quelques articles de cette partie : "Dignité de l'embryon humain" de A. Serra ; "Statut juridique de l'embryon humain" de R.-C. Barra ; "Génome et famille" de Roberto Colombo ; "Morale ou éthique" de J. L. Bruguès …
Il est bien entendu impossible dans le cadre d’un survol de faire une recension complète des 90 articles de l’ouvrage, je propose de m’arrêter brièvement sur trois articles qui sont :
           "Ingénierie verbale" d’Ignacio Barreire (p. 647)
            "Fécondité et continence" de Rita Joseph (p. 525)
            "Contraception préimplantatoire et contraception d’urgence" de John Wilks (p.167)

3 -  Ingénierie verbale
Ce que nous appelons ingénierie verbale aujourd’hui a toujours fait partie du processus de communication entre les humains à quelque époque que ce soit et dans quelque contrée que ce soit. Le cadre qu’impose l’éthique et la morale, voire la justice, au processus de communication, peut expliquer en partie le rôle que cet art de communiquer joue dans le sujet qui nous intéresse, même si on peut admettre que l’usage actuel est plus systématique, mais il ne l’est pas seulement pour la bioéthique ; il est notoire que tromper en faisant porter aux mots, un signifiant qui, objectivement renverse la perception qu’on peut en avoir, est depuis longtemps pratique courante sans que ceci soit dénoncé avec vigueur, surtout quand cela ne semble pas concerner des pans vitaux de la vie de la société ; il n’est donc pas étonnant que l’artifice puisse paraître comme anodin à tous ceux qui sont appelés à débattre dès lors que la plupart sont endormis par l’habitude de voir les mots falsifiés sous prétexte de modernité ou de mode, ou encore sous le prétexte de respecter je ne sais quel état psychologique des personnes ou quel dogme. L’article va passer en revue quelques processus de manipulation pour attirer l’attention, notre attention. Ainsi, il peut s’agir de jouer sur la perception que le protagoniste doit avoir d’un terme ou bien d’une expression :
Ainsi dire "travailleurs du sexe" au lieu de "prostitué(e)" change la perception négative de l’activité et ainsi tente de l’"anoblir". L’approche peut être d’introduire un flou ou une indétermination dans l’expression pour en voiler le sens explicite ; par exemple : avec l’expression "amour intergénérationnel" pour dire "pédophilie" ; de même pour "pornographie" on peut trouver "matériel sexuellement explicite" ou encore "matériel adulte" ; bien sûr, c’est une falsification, c’est comme un codage dont il faut avoir la clé.
La manipulation peut aussi consister à éviter des termes et expressions qui risquent de laisser une marque importante sur la conscience ; ainsi, au lieu de "avortement", on parlera "d’interruption volontaire de grossesse", car le terme avortement est encore perçu, consciemment ou non, comme une destruction au sens de tuer, or détruire et tuer chargent la conscience d’un poids qui peut s’avérer insupportable ; dès lors, la manipulation consistera à éviter le terme le plus souvent possible. Ainsi une "clinique abortive" devient "un centre de santé reproductive".
La manipulation peut être plus agressive, voire offensive en tentant de culpabiliser le protagoniste. Il en est ainsi du terme "homophobie", une personne qui n’aime pas l’homosexualité est dite homophobe ; or phobie, traduit une maladie ; autrement dit, un ou une homophobe est un malade ; ne pas aimer l’homosexualité est le signe d’une maladie ! Pourtant, personne ne traitera un individu qui n’aime pas les assassins, ou les intégristes, ou les terroristes… de malade ! Le fait est que l’expression homophobe est rendu culpabilisante, tout en passant dans l’expression courante sans attirer l’attention. Mais, selon moi, cet exemple montre une démarche qui vient de plus loin, et qui consiste à particulariser des situations ou des actes qui n’en sont pas ; un exemple est l’expression "lutter contre le racisme et l’antisémitisme", pourquoi mettre à part "l’antisémitisme" ? N’est – ce pas un racisme au même titre que tous les racismes, quelles qu’en soient les formes et les victimes… Que doit – on comprendre à partir de cette formulation ? Ou alors, il faudrait tous les particulariser dans l’expression ; en clair, c’est là aussi une forme de manipulation sans aucun doute. Il y a d’autres exemples qui peu à peu ont rendu la tâche facile pour ceux qui s’adonnent à la démarche que décrit l’article d’Ignacio Barreire. Peut – être faudrait – il avoir le courage de refuser les insinuations qui n’ont comme objet que de perpétuer des pratiques qui sont inadmissibles socialement ; on ne peut pas nourrir le serpent et prétendre le combattre dans le même temps !
4 -  Fécondité et continence
Cet article se penche plus particulièrement sur les approches actuelles des questions de fécondité et de comportements sexuels, en particulier sur la vision polémiste que ces questions peuvent susciter. Il s’agit en effet de savoir ce qu’on peut entendre par fécondité, la nécessité ou non de son contrôle et les raisons qui fondent cette nécessité, mais également des comportements sexuels qui découlent des réponses auxquelles on aboutit.  Tout ceci en opposition avec les comportements antérieurs qui considèrent comme indissociables, la sexualité et la fonction reproductrice, c’est-à-dire une approche sociétale génitrice.
En premier lieu, on peut dire que le problème du contrôle de la fécondité est envisagé comme solution à un problème potentiel : la menace pour les ressources ; c’est dire que sans contrôle des naissances, et donc de la fécondité, l’accroissement des populations peut aboutir à une catastrophe dès lors que les ressources disponibles seraient insuffisantes pour nourrir tout le monde.
En second lieu, une fécondité incontrôlée est vue comme handicapante pour la femme, ce handicap se distribue en trois niveaux pour les féministes :
           Humiliant pour la femme.
            Obstacle à l’émancipation de la femme.
            La tient éloignée du marché du travail.
            D’où menace pour les ressources de la planète là encore.

La nécessité de l’autonomie de la femme qui en résulte demande une contraception. Pour l’OMS, aucun contraceptif n’étant sans danger ; dès lors, il faut envisager, selon les féministes, toutes les méthodes modernes de contraception y compris l’avortement.
Sur le plan conceptuel, l’autonomie de la femme entraine : de dissocier les partenaires en partenaires sexuels et en partenaires géniteurs qui peuvent être différents. Ce qui signifie que l’activité sexuelle de la femme est distincte de l’activité reproductrice. La stérilité psychologique résulte de cette distinction dans l’esprit de la femme.
La solution est apportée par les méthodes modernes de contraception, à savoir l’industrie pharmaceutique et les progrès de la médecine à travers l’avortement et la contraception d’urgence.
Il est clair que dissocier l’activité sexuelle de la fonction génitrice ouvre la voie à des conceptions dans lesquelles toutes les possibilités techniques que la science est capable –ou sera capable - de mettre à notre disposition ne sont que des outils pour répondre à des préférences individuellement distinguées. On peut prévoir une évolution contrainte de la société dans cette direction si l’"ingénierie verbale" atteint son but.
5 -  Contraception préimplantatoire et contraception d’urgence
Cet article se base sur trois mots clés : conception, contraception grossesse. Il aborde une question : Quand commence la vie ? La réponse est :
            Soit objective (dans le sens où c’est l’enchainement biologique qui l’impose)
            Soit idéologique (dans le sens où c’est la finalité envisagée en 4 qui détermine la réponse)

Dans le premier cas, la conception résulte de la fusion des gamètes ou cellules sexuelles de l’homme et de la femme pour donner une nouvelle cellule à 46 chromosomes, (2 x 23) c’est – à - dire une cellule diploïde. Cette cellule zygote, totipotente est le point de départ de la vie, c’est la fécondation qui est le début de la vie ; c’est le début de la période embryonnaire qui va durer 60 jours. Il s’ensuit que détruire la cellule zygote, c’est déjà de l’avortement et non de la contraception. Le zygote évolue et devient un blastocyste multicellulaire, un stade du développement embryonnaire qui conduit à la nidation après 6 jours ; c’est l’implantation.
Dans le second cas, le début de la vie se situe à l’implantation. Conséquence, tout ce qui se passe avant cette étape peut être soumis à n’importe quelle opération sans susciter de problème moral, éthique ou sociétal. Ainsi, la destruction de l’embryon – on parlera de pré-embryon - avant l’implantation n’est plus de l’avortement mais de la contraception. De même, la fécondation in vitro se justifie, et surtout, la destruction ou l’utilisation à d’autres fins des embryons qui en proviennent ne pose pas de problème. Dans cette optique, la véritable contraception, c’est empêcher la nidation ; on fera appel à la pilule du lendemain dans une contraception préimplantatoire ou contraception d’urgence ou encore contraception post-coïtale.
On voit donc qu’avant d’être un problème technique et biologique, la question du début de la vie est d’abord, une question philosophique et ontologique. Des questions en amont se posent, telles que : quel est le statut de l’ovule, du sperme ? Faut – il en assurer le contrôle ? Comment ? Et par qui ? Des questions en aval se posent également et portent sur le statut de l’enfant, la définition du couple et de la famille… toute question qui s’adresse à l’individu bien sûr, mais également au politique, au sociologue, au psychologue, au juriste, au théologien et au philosophe… autant dire à la société dans toutes ses composantes.
6 -  Conclusion
J’ai voulu par ces quelques considérations faire apparaître l’importance et l’utilité de l’ouvrage : "Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques". Je suis loin d’en avoir exploité toute la richesse.
Par les exemples que j’ai retenus, on peut voir que le champ du langage n’est pas le seul point que l’ouvrage aborde, les auteurs ont tenté de faire le tour des problèmes de bioéthique en privilégiant l’information la plus large et la plus précise possible, et cela, sur tous les thèmes de l’éthique familiale et sexuel, tout en restant, il est vrai, dans  la droite ligne du magistère chrétien. Toutefois, nous pouvons le sortir de ce cadre et tenter de cerner ces problèmes en ne considérant que l’homme, l’homme tout court !
Les articles que j’ai retenus le sont de façon arbitraire, mais j’ai voulu qu’il s’établisse une liaison de signifiant de l’un au suivant, je n’ai donc pas suivi l’ordonnancement de l’ouvrage comme le laisse apparaitre la pagination des trois articles traités.
      7 - Bibliographie
Conseil pontifical famille, Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques, édi.t P. Tequi, 2005.
G. Hottois, Qu’est-ce que la bioéthique, Paris, Vrin, 2004.
C. Ambroselli, L’éthique médicale, Paris, PUF, 1988.
J. C. Guillebaud, Le principe d’humanité, Paris, Seuil, 2001.

Sur Internet :
http://pmb.polado.net/opac_css/index.php?lvl=indexint_see&id=20&PHPSESSID=0fbfd7ee765dd0a9838ef7dc68da3959
http://www.dialoguedynamics.com/contenu/learning-forum/seminars/the-contraception-abortion-nexus/the-contraception-abortion-nexus-73/article/flawed-argument-2-and-answer-the?lang=fr



[1] http://www.eglise.catholique.fr/eglise-et-societe/bioethique/-lexique-des-termes-ambigus-et-controverses-sur-la-famille-la-vie-et-les-questions-ethiques-extrait.html