A paraitre... juin 2024 : Le Premier Festival Mondial des Arts Nègres
Arts Nègres ou Négritude ?
CINQ QUESTIONS POUR UN PARCOURS |
Un programme si on veut cerner en profondeur le terme, et le
concept qu’il recouvre par conséquent, car réminiscence met en œuvre non
seulement la personne, mais aussi l’être. Et là, nous plongeons
dans tout ce qui fait la palette de la vie mais aussi du vivre ; palette aussi
bien objective que subjective, la vie autant de l’individu que de la société
des hommes.
Dès lors, c’est une réflexion qui commence avec l’émergence
de la conscience de soi[1] et
elle ne peut prendre fin, selon moi, qu’au terme de l’existence de l’individu
bien sûr, mais sans doute aussi de l’espèce humaine.
C’est dire que nous abordons là un problème gigantesque !
Un problème qui nous préoccupe, nous humains, depuis plus de 10 mille ans au
moins !
Vous comprendrez que je tremble d’avancer ma réflexion sur la
question. Et cela, même sans prendre en compte le fait que le concept de réminiscence
est une donnée centrale de la pensée de Platon, élève de Socrate. Ne pas
prendre en compte cette pensée car, la réminiscence chez Platon se situe au
niveau fondamental de sa spiritualité ; une spiritualité qui place sa
réflexion, sa recherche et son enseignement au rayon d’une forme d’ésotérisme ;
et cela on peut ne pas le partager. En effet, c’est à l’âme, selon sa
conception, que Platon fixe la fonction de réminiscence.
Pour résumer, Platon considérait que l’âme en toutes ses
composantes a eu accès à tout le savoir, l’âme connaitrait tout ;
elle connaitrait tout ce qu’il y a à connaitre, et cela, avant d’être
"insérée" dans un corps ; avant donc de "piloter"
l’homme. Dès lors, il suffit que par réminiscence, l’âme se remémore ce
qu’elle sait pour conduire l’homme à savoir à son tour.
C’est principalement dans le Menon que Platon expose
sa postulation, mais d’autres de ses dialogues en distribuent des éléments. Ainsi,
par réminiscence l’âme pilote, selon Platon, la cognition chez l’homme.
Je ne peux placer ma réflexion à ce niveau de postulation, et
donner alors une dimension ésotérique, pour ainsi dire, au concept de
réminiscence. Et cela, d’autant plus qu’une telle vision ne souligne aucunement
l’action de la dynamique de la pensée volontaire chez l’homme. Une telle vision
ne met pas en exergue la qualité et la portée de la propension à s’interroger
chez l’humain. La propension à s’interroger est fondamentalement ontologique
chez l’homme selon moi.
Bien entendu, je ne parle pas non plus de la place que tient
la réminiscence et son importance dans notre parcours au quotidien de notre vie
ni de ces moments qu’on aimerait revivre, et revivre encore parce que se
présentant comme les retours du goût des sucreries qui nous ont charmé à un
moment ou à un autre. Non, je parle de réminiscence des profondeurs de notre
être ; réminiscence qui fait que nous nous sentons élément d’une
chaine, ou une parcelle de ce "quelque chose" d’insaisissable, et qui
est perçu par microseconde avant de s’évanouir... et qui pourtant semble nous
dépasser...
N’est-ce pas de là, de cette forme de réminiscence,
que viendrait le monisme formalisé par ceux qui pensent que le créateur fait
partie de sa création allant ainsi au-delà de la postulation de Platon... C’est
surtout la méditation de l’Extrême Orient, l’Asie donc, qui nous propose cette
vision de la spiritualité, notamment avec le Tao, mais pas seulement. Signalons
au passage pour simplifier, que dans la pensée chinoise, la théologie[2] est donnée par le Tao ;
le ritualisme[3]
est donné par le Confucianisme tandis que le mysticisme[4] est donné par le Bouddhisme,
alors que le christianisme et l’islam par exemple, amalgament les trois.
La réminiscence est-elle toujours une affaire de conscience
pourrait - on se demander quand nous abordons la notion dans sa profondeur ?
À partir de cette interrogation, nous sommes amenés à considérer deux aspects du
concept :
* Un aspect
objectif, j’allais dire terre à terre, en cela que c’est d’abord le
retour de souvenirs, ou mieux, l’absence d’oubli de souvenirs, réels ou
imaginaires, qui demeurent en nous et qui nous portent à l’émotivité provoquée par
moments dans notre esprit.
* Un aspect religieux,
théologique, et plus profondément métaphysique ;
c’est-à-dire un exercice de spéculation de notre pensée qui se déroule à
l’infini. Autant dire, un exercice qui met en œuvre notre propension à nous
interroger, le véritable, voire le seul moteur de la marche de l’homme.
C’est sans doute ce second aspect, l’aspect spéculatif, qui
autorise un développement pour saisir le sens profond qui existe nécessairement,
car qui dit qui dit aspect spéculatif dit une réflexion et une méditation qui
ne peuvent connaître de terme. Cet aspect peut se comprendre comme un effort
qui doit être déployé à l’infini pour répondre à la question "D’où
venons - nous ? " Mais aussi : "pourquoi nous... comme
tout ce qui est, existe ?"
Il est évident qu’il ne s’agit nullement de notre corps - physique
- dont très tôt les hommes se sont comme méfiés, sans raisons selon moi, car
sans le corps et ses fonctions, l’homme ne peut accéder à quoi que ce soit y
compris s’interroger, que ce soit pour ce qui "est " en nous, ou bien
que ce soit pour tout ce qui se trouve en dehors de nous. Le problème vient, me
semble-t-il du fait que certaines aptitudes du corps nous échappent parce que
nous ne parvenons pas à les contraindre aisément au principe de raison,
autre certitude de l’être humain.
Sans le corps, reste la pensée, une capacité dont l’une des
fonctions est de nous permettre de nous évader dans toutes les directions du
cognitif. Évasion ? N’est-ce pas là, le vrai moteur de notre affect ?
Un moteur qui oriente la propension à s’interroger vers des horizons
insoupçonnés.
Et si la réminiscence était le tissu qui provient de cette trilogie que forment
la cognition, c’est-à-dire la propension à s’interroger en acte ;
les affects, c’est-à-dire les réponses du corps et de l’esprit dans un
mouvement déchanges ininterrompus et consécutifs à la propension à s’interroger ;
et la conation, c’est-à-dire cette tension du corps et de l’esprit
-là encore- pour conduire l’homme en acte et en action. La réminiscence,
c’est donc un aller-retour vers l’origine, un retour, retour de soi vers la
pensée et vers le corps qui sont en symbiose.
Nous avons ci-dessous un schéma possible de cette trilogie.
Réminiscence !
N’est-ce pas comme ces récits et contes qui, à chaque
nouvelle écoute, nous laissent en paix ; ce sont comme des
"sucreries" de l’âme dont nous ne nous rassasions jamais !
Réminiscence !
Pouvons - nous exclure les "retours"
douloureux ? La réminiscence de ces moments qu’on aurait souhaité ne pas
se rappeler et qui pourtant surgissent, abrupts, et nous rappellent alors que
le chemin de vie n’est ni uniforme ni sans accros...
On comprend alors que la réminiscence chez l’individu a de
multiples facettes ; c’est sans doute sagesse de ne pas précipiter
certaines de ces facettes dans l’oubli de l’inconscient car même là, leur
influence sur notre cognition, sur nos affects et sur notre conation
risque d’échapper à notre pleine conscience, la conscience, seul lieu où il
nous est possible d’être maître dans les choix de notre route, de notre vie, et
donc maître de nos actes et de nos interactions.
Je ne dois pas oublier de dire que la réminiscence est aussi
un support de la mémoire de nos sociétés.
Et là aussi, les facettes sont innombrables ; qu’elle
soit de joie, comme durant ces jours où il nous est agréable de nous retrouver
ensemble pour perpétuer des heures inoubliables pendant lesquelles notre
sociétés a su déployer une dimension de spiritualité incommensurable ; ou
qu’elle soit de défiance et de replis, afin de nous souvenir pour pouvoir
exorciser le retour des coups de boutoir du destin comme ceux d’autres hommes…ou
encore les coups de boutoir que nous - même, nous avons assénés en toute
conscience.
Dans un cas - celui de l’individu - comme dans l’autre - celui
des sociétés - la réminiscence n’est pas seulement un refus aussi, un refus
d’oublier les coups de couteaux qu’on a reçus, ne serait-ce que parce que la
cicatrice demeure… mais également ceux qu’on a donnés et qui ont laissé à
d’autres des cicatrices là encore, et qui reviennent nous hanter quelque
postulation que nous inventons pour mettre notre conscience à l’abri. Hélas la
réminiscence ramène toujours à l’esprit les jours endormis, et là, c’est notre
spiritualité pour les accepter ou se dérober qui est mise à l’épreuve. N’est-ce
pas là, le fait humain ?
À présent, prenons de la hauteur ; se faisant, nous nous
plaçons en dehors de nous-même et de nos sociétés pour ne considérer que
l’homme, ne considérer que le fait humain. Et là, la réminiscence prend toute
une autre dimension tant dans sa qualité et ses facettes que dans sa fonction
de mémoire. Cette dimension avec cette fonction nous est signalée depuis la
plus haute antiquité, et c’est Aristote qui l’a fait de la façon la plus
explicite possible. En effet, dans la "Métaphysique" il
écrit :
"L'homme a
naturellement la passion de connaître ; et la preuve que ce penchant existe en
nous tous, c'est le plaisir que nous prenons aux perceptions des sens."
Il s’agit d’un constat de l’auteur ; mais c’est un
constat qu’il situe dans notre nature. C’est donc une donnée ontologique. Des
données qu’Aristote lie à nos sens ; c’est-à-dire des données qui nous
sont fournies par des "outils," les sens ; outils que nous
partageons avec les animaux. Il écrit en effet :
"La nature, on le sait, a doué les animaux de la
faculté de sentir. Mais, chez quelques-uns, la sensation ne produit pas le
souvenir, [980b] tandis que chez d'autres elle le produit. C'est là ce qui
fait que ces derniers sont plus intelligents, et qu'ils sont susceptibles de
s'instruire infiniment plus que ceux qui n'ont pas la faculté de la mémoire."
Il y a donc une différence entre les animaux et nous les
humains ; c’est la mémoire. Celle-ci chez l’homme, enregistre ces
données pour les restituer ensuite aux fins de la cognition… Réminiscence donc[5] !
Ainsi : "C'est la mémoire qui forme l'expérience
dans l'esprit de l'homme ; car les souvenirs d’une même chose constituent,
en se multipliant pour chaque cas, l'expérience dans toute son énergie."
De même "…un grand nombre de notions déposées dans l'esprit par
l'expérience, il se forme une conception générale, qui s'applique à tous les
cas analogues."
Nous retrouvons donc la réminiscence, notre propos,
même s’il convient de noter qu’Aristote distingue la réminiscence de la mémoire.
Réminiscence qu’Aristote considère comme le moteur de la réflexion[6] ;
qu’il considère comme le moteur du désir de savoir, "la passion de
connaître," qui est pratiquement absent chez l’animal. Ainsi donc, la
réminiscence, qui est chez l’homme une mémoire dynamique, une mémoire
en acte, constitue un processus essentiel du fait humain.
En d’autres termes, la réminiscence est inséparable de la
propension à s’interroger, elle qui nous a conduit là où nous nous trouvons
aujourd’hui, en route pour les étoiles.
Pour conclure, je dois dire que je n’ai fait qu’effleurer ce
grand texte d’Aristote qu’est la Métaphysique[7] ; mon
objectif se faisant, est de montrer la dimension polysémique de la réminiscence
dont ce texte et d’autres écrits d’Aristote mettent la fonction cognitive en
lumière ; ils en soulignent l’excellence !
Toutefois, j’ai conscience que bien des facettes de la réminiscence
ne sont pas déployées dans ces quelques lignes ; il serait nécessaire pour
cela, de leur consacrer des milliers de pages !
Voici un exemple : quelle différence faire entre
mémoire et réminiscence ?
J’ai déployé mon analyse en faignant de poser que les deux
sont équivalents, et j’en ai tiré une conclusion étendue à partir de la
réflexion d’Aristote dans la Métaphysique.
Une telle équivalence est-elle avérée ?
Si oui, comment le montrer et quelles conclusions en tirer
pour la cognition qui nous intéresse ? Sinon, comment le prouver là aussi,
et quelles leçons en tirer ?
En fait, j’ai biaisé en présupposant une inégalité dans le
prolongement de la vision d’Aristote ; cela en considérant que
réminiscence est un concept dynamique tandis que mémoire serait un
concept statique.
Je n’ai rien démontré dans un cas comme dans l’autre ;
j’ai seulement fait appel à ma propension à m’interroger pour valider ce
qui me semble correspondre au "bon sens" ; c’est en cela
que je parle de tricherie sans que ce soit dramatique, dès lors que cela me
permet de lancer le débat, voire la controverse, sans aucun dogmatisme sur
cette possible facette. Je suis convaincu qu’on est d’abord être humain
(réminiscence et mémoire) avant d’être quoi que ce soit d’autre.
Devons - nous revenir sur la question ? Probablement oui,
mais sans doute dans un autre contexte. Un contexte dans lequel il serait
instructif de mettre en parallèle les considérations sur la cognition vue selon
Platon, comparée à celles que privilégie Aristote. Nous avons en effet écarté
au début de notre propos la vision de Platon sur la cognition qui passe explicitement
par la réminiscence dévolue à l’âme, et à la fin, nous avons déployé
celle d’Aristote qui passe elle, par la mémoire et par les organes des sens de
l’homme. Ainsi :
Pour Platon,
c’est l’âme qui possède le savoir ; l’âme a toute la connaissance,
et une fois insérée dans le corps, elle peut par réminiscence conduire l’homme
vers la connaissance. En d’autres termes, c’est par le conceptuel que nous
cherchons à savoir.
Dans ce cas, doit-on comprendre que la connaissance ne serait
qu’arriver à se souvenir ? Ne serait-ce pas réduire, voire
nier la dimension et la portée de la propension à s’interroger de l’être
humain ?
Pour
Aristote, chercher à savoir est une donnée ontologique chez l’homme ;
c’est de sa nature. La cognition est mise en œuvre en utilisant les données
acquises par les sens, notamment la vue, et surtout l’ouïe[8], que
privilégie Aristote. Des données qui s’enregistrent dans la mémoire d’où
elles servent (par réminiscence) à nourrir la propension à s’interroger.
En d’autres termes pour Aristote, c’est par l’observation
que commence la cognition ; c’est la primauté[9] des
données sensitives sur tout ce qui vient du conceptuel. Ce qui nous a fait
écrire[10] :
"La philosophie occidentale retient en effet : "Nihil est in
intellectu quin prius fuerit in sensu." Ce qui veut dire : "rien
n’est dans l’intellect qui n’ait été auparavant dans les sens."
Si la réminiscence est l’œuvre de la mémoire en acte de l’être humain - et non celle d’une âme en migration – elle est indissociablement liée à la propension à s’interroger. Voilà pourquoi un être humain doit "se raser la tête au moins une fois par jour" !
LA CLAIRVOYANCE : |
Si la réminiscence semble s’adosser au passé pour l’individu comme pour la société, qu’elle soit voulue ou intemporelle, la clairvoyance par contre, n’est-ce pas comme le fin rayon d’une faible lampe avec laquelle nous cherchons où poser notre prochain pas ? Nous sommes donc comme placés entre deux moments dont l’un semble s’éloigner sans jamais partir totalement - celui de la réminiscence – et dont l’autre, - celui de la clairvoyance – se fait désirer sans jamais totalement se découvrir. Reste l’homme !
Restent l’homme et un pari. Un pari car, la clairvoyance est
d’abord une postulation faite sur le futur avec les deux outils qui sont :
- La
propension à s’interroger. Ce premier outil, qui est incontournable, est ce
qui fait l’humain, nous l’avons dit. Il nous a conduit de l’errance à la pierre
taillée d’abord, puis jusqu’aux portes des étoiles aidée en cela par la
réminiscence, comme nous venons de le dire également.
- L’autre, le
bon sens[11] ;
ce second outil nous attache à l’autre et au monde, dès lors que nous
n’oublions pas qu’il n’y a d’homme que social ; toutefois, c’est un
"social" dont nous sommes à la fois partie prenante, et en même temps,
détaché pour pouvoir l’observer en prenant de la hauteur.
Je dis bien prendre de la hauteur et non prendre du recul. Dans
le premier cas, prendre de la hauteur, nous sommes censés nous départir de
tout : a priori, prérequis, opinions et pré opinions… c’est-à-dire que
nous sommes censés n’avoir d’autre bagage que la conscience de l’homme, notre
unique bien. Dans le second cas, prendre du recul, nous restons enchainés à
notre mimésis sociétale, au risque d’en faire un paradigme qui est placé
souvent avant l’homme, et même avant d’autres sociétés humaines que la nôtre.
Dès lors, l’écoute de l’autre devient contingentée.
Vous évoquez le père et le grand-père, nous retrouvons ainsi
dans le voyage au quotidien ; et là, la clairvoyance, sans se
départir de sa dimension humaniste, pointe la route que suit chaque pas à faire
en évitant écueils et égarements. Père pour moi, c’est le passé, reste à être une
disponibilité pour ceux pour qui je suis père, s’ils le souhaitent et quand ils
le souhaitent, pour confronter ce que chacun perçoit avec le "fin rayon de
la faible lampe" dont il est question au début de ce propos.
Quant au grand-père, il lui revient peut-être de pointer tous
les horizons vers lesquels le regard doit tendre à vingt ans afin de se poser
les questions auxquelles on trouvera, peut-être, des réponses quarante ou
cinquante ans plus tard ! C’est ma conviction ; ce fut ma
route ; aujourd’hui encore il en demeure de ces questions comme par
exemple, "comment l’homme peut–il sortir de l’inégalité
conceptuelle ? " Il n’y a pas encore de réponses ; mais
pourrait-il y en avoir ?
Clairvoyance ? J’ai conscience qu’à partir d’un certain
âge, les paradigmes selon lesquels on a conduit son existence ne sont surement plus
les mêmes pour ceux qui commencent le parcours ; forcément ! Cela
rend circonspect et prudent quant au jugement. J’ai donc pris l’habitude de
dire pour ceux-là qu’un grand-père a un droit de vote, tandis que les parents
ont un droit de véto !
Vous voyez, à partir d’un certain âge, je ne suis pas
convaincu qu’il faille chercher à distinguer entre réminiscence et clairvoyance…
car alors, nous risquons peut-être de prendre l’une pour l’autre.
Est-ce à dire que l’heure de la synthèse est arrivée ?
Et puis, y a-t-il pour un individu, un moment où une synthèse s’impose ?
Si la réponse est oui, ce ne peut être qu’à travers l’emprise
des réalités. Alors : réalité !
Mais avant cela, on doit se demander si la clairvoyance est
le fait de l’individu seul.
La réponse est ouvertement non ; la clairvoyance est - et
cela, éminemment - le fait des sociétés aussi.
Au niveau des sociétés.
C’est sans doute à ce niveau, celui de la société, que la
clairvoyance prend une dimension conceptuelle. Donner une dimension
conceptuelle aux choses et aux idées aussi bien qu’à des êtres est la méthode
de choix que nous hommes, avons trouvé pour nous affranchir de toutes barrières
quelle qu’en soit la nature... y compris celles qui pourraient signer notre
perdition !
Avec cette dimension conceptuelle, la notion de clairvoyance
peut s’associer à l’inégalité conceptuelle[12]. Dès lors, elle
va servir à déployer toutes les facettes de nos sociétés. En particulier, elle
peut servir aussi bien de paradigme que d’alibi. Si en principe, la clairvoyance
est "innocente" au niveau individuel et même sociétale, elle devient,
au niveau des systèmes, l’argument de choix pour justifier l’usage des fruits
de la pensée pour s’attaquer à l’homme, support de cette même pensée et
producteur de ces fruits ; l’abattre avec sa propre production... tel est
l’homme !
Après cela comment pourrais - je répondre à votre
question :" Qu'est-ce
que vous avez pronostiqué pour les prochaines décennies ?"
Reste l’espoir ! Et là, l’homme est superbement souverain !
C’est dans cette souveraineté que je place mon espoir, car inexorablement, l’homme
a toujours fini par balayer ceux qui prétendent lui barrer la route...
toujours !
Louer la clairvoyance peut se comprendre, mais il faut se
garder d’en oublier celles de ses facettes qui affleurent quand notre tendance
à la prédation prend le dessus dans nos interactions.
Bien des intentionnalités de nos sociétés présupposent la
clairvoyance pour passer à l’acte, mais dans ces cas - là, nous préférons
évoquer la prévoyance. Au niveau des interactions comme à celui des actes,
prévoyance et clairvoyance se posent en paradigmes interchangeables ;
c’est le cas, notamment quand nos sociétés se muent en systèmes dogmatique. De
là, vient souvent le fait que la clairvoyance supposée apparait avec le recul
comme un alibi pour justifier la prédation déployée par les systèmes.
"Le meilleur est à venir !" c’est là,
une note d’espoir ; vous avez raison ! Mais qui déterminera les
caractéristiques de ce meilleur ? Pour qui, et pour quoi,
est-ce le meilleur ?
Selon qu’il s’agisse de l’individu, de la société ou des
systèmes, ce meilleur peut être redoutable !
Que reste-t-il alors à la clairvoyance ?
Peut-être la détermination à rester maître de l’usage de sa tête, c’est-à-dire maître de la réalité que la clairvoyance de l’individu laisse prévoir.
LA RÉALITÉ : |
Comment dire la réalité sans s’exposer à un parti pris ? Je l’ignore.
Comment dire la réalité sans au préalable répondre à la
question suivante :
Qu’est-ce que la réalité ?
Mais c’est là, une question qui peut nous laisser perplexe à
première vue, ou pire, susciter l’incompréhension voire une manière d’ironie à
l’encontre de celui qui poserait une telle question.
Nous pouvons cependant chercher à y répondre - sans oublier
que parler de réalité doit s’entendre comme devant donc porter sur toutes les
facettes - répondre en considérant :
- l’individu
- la société.
- la cognition.
Au niveau de l’individu, la question de dire ce qu’est la réalité se limite généralement à préciser ce à quoi on a accès, en sous-entendant que cet accès est aussi bien direct qu’indirect. Dans le premier cas, on peut considérer que c’est une question de moyens mais aussi d’héritage ; cela signifie que la réalité traduit ce à quoi nous avons objectivement accès par notre équipement biologique, notre équipement primaire que sont les sens, c’est ce que nous avons vu avec les considérations d’Aristote sur le rôle de la mémoire dans le désir de savoir.
Il faut comprendre que l’utilisation d’"outils" périphériques
et artificiels ne change rien à cela, car l’outil de ce type n’est toujours
qu’un intermédiaire de notre fabrication ; c’est une interface entre notre
équipement biologique, les sens, et notre cerveau.
Il apparait que la réalité comporte deux ensembles ; il
y a celle qui est observable et celle qui est logée dans notre esprit sans pour
autant être l’objet d’une observation personnelle. En clair, la réalité
concerne aussi ce que nous croyons savoir. On voit l’importance de faire
la différence entre les deux, notamment lors des échanges avec nos semblables ;
faire la différence entre ce que je sais et ce que je crois, et
en être conscient lors des interactions.
On voit ainsi que la notion de réalité est très complexe, et
cela, d’autant plus que d’autres facettes peuvent se révéler indispensables à
prendre en compte. Il en est ainsi par exemple de la distinction entre réalité
et vérité. Pour une expression subversive de cette facette, on se
demanderait si réalité égale vérité ; problème de sémantique donc !
Au seul niveau de l’individu, la question de la réalité peut
prendre une dimension incommensurable, or l’homme est toujours mal à l’aise
face à tout incommensurable ; il lui semble en effet perdre pied… peut-être
en est-il ainsi effectivement ! Alors, aussi bien lui-même, à titre
personnel, que la société, mettent en place des paradigmes protecteurs qui sont
installés dans la mimésis sociétale, mais installés également dans d’autres
compartiments de son être et de son existence. Nous retrouvons là, la question
des ressentis et des a priori.
On mesure ainsi l’implication du fait sociétal dans l’accès à
la réalité et la compréhension de ce qu’elle est. Sous cet angle, dire ce
qu’est la réalité n’est pas seulement en présenter l’aspect objectif. La
société peut formater, volontairement ou non, ce que nous, individus, sommes
invités à considérer comme telle. N’est-ce pas là, le véritable sens de
l’expression "politiquement correct" ? Une expression que nous
utilisons sans même y réfléchir.
Il est aisé de considérer que la seule réalité véritable est
celle que la science décrit ou peut décrire... mais alors quelle science ?
Celle d’hier ? Que nous n’avons pas cessé de corriger, de
réviser et d’actualiser sans sourciller, en oubliant que nous étions prêts à
tuer pour elle... que dis-je... pour elle, nous avons allègrement tué, sans
regrets et sans remords véritablement, ni alors ni maintenant[13].
Celle d’aujourd’hui ? Dont la seule certitude est notre
acharnement à la considérer comme immuable ! Et gare à qui dirait le
contraire ! Devons - nous parler d’absence de modestie ou simplement
d’arrogance ?
Mais alors, la science serait - elle une perpétuelle fuite en avant ?
Encore un problème de réalité !
Assurément non ; elle est, la science ! Elle est,
car c’est notre propension à nous interroger qui en fait le générateur
incomparable de balises pour les pas et la pensée de l’homme. Ces balises se
déplacent ; elles avancent et changent au fur et à mesure que la
propension à s’interroger nous conduit à débroussailler ; dès lors, les
balises doivent évoluer, c’est sans doute ces évolutions qui nous posent
problème, car elles ne sont pas toujours aisées à comprendre, et donc à
accepter.
Ce sont des balises dynamiques plutôt que des réalités
éternelles et éternellement prédéterminées. Par exemple, Uy Scutti,
la super géante, n’est-elle pas de ces réalités qui nous fascinent parce que
faisant partie des 6 à 7 % seulement que nous connaissons, semble-t-il, de
l’ensemble de l’énergie de notre univers ? Comment peut-on parler de
réalité quand plus de 90 % de ce qui constitue ou qui forme notre univers nous
est inconnu ! Donc patience, et surtout modestie ! Faisons confiance
à notre propension à nous interroger.
La réalité serait - elle alors l’ensemble constitué de ce que je
sais (par les sciences...),de ce que
je suppose (par ma pensée et son conceptuel), de ce que je pressens
(à partir de perceptions dont beaucoup resteront des hypothèse - suppositions
de bon sens, jusqu’à ce que la propension en s’interroger œuvrant, je
parvienne en en faire des balises assurées). Mais, la seule assurance de
validité dans ce cas est mon honnêteté pour laquelle ma conscience de soi
doit être la seule et unique juge.
Patience, car notre propension à nous interroger ne
s’arrêtant jamais, nous pouvons espérer réduire la part de ce gigantesque
inconnu... à condition de... durer ! C’est là aussi une chose qui doit
nous préoccuper ; savoir si nous aurons la sagesse d’éviter d’utiliser les
fruits de la pensée pour ... nous abattre... tout simplement ! Pour nous
effacer... gaillardement !
La Terre et/ou l'homme sont-ils beaux ? Moches ? demandez - vous !
Je l’ignore ; comment le savoir en effet quand beau et
moche relèvent d’une relativité qui pointe vers tous les horizons. Mais ce qui
est certain, c’est l’extraordinaire beauté de la pensée de l’homme dans
ce qu’elle est capable d’atteindre très loin dans le passé, et très loin
dans le futur, dès qu’elle n’oublie pas les balises dynamiques dont il est
question ci-dessus. C’est cela, cette extraordinaire capacité de la pensée, qui
œuvre contre vents et marrés qui fait l’humain... et cet humain est
gigantesque !
Très loin dans le passé pour s’approcher de plus en plus de
ce continuum de potentialités[14] d’où tout ce qui
existe est issu.
Très loin dans le futur et tenter de comprendre quelle forme
prendra ce qui provient de ce continuum de potentialités, même si ce sera sans
nous… on peut en être certain ; mais avec un autre support de la pensée...
surement !
C’est là, la conviction du scientifique... mais attention : réalité ou illusion ? Comment les situer ?
LA SYNTHÈSE : |
N’est-ce pas pour faire le point puis aller plus loin, que l’individu se risque à une synthèse ? Mais une telle synthèse n’aura de sens que si "sa" vérité n’est pas une cassette fermée[15] ; en effet, Kafka a raison quand il dit : " Comme l’air pour le corps, l’esprit a besoin de la vérité" Vous voyez donc que mettre du sens n’est pas simple car seul l’esprit est concerné ; le corps s’en tire toujours... ou nous abandonne !
"Où mettre du sens ? Comment ? et
pourquoi ?" demandez - vous.
On ne peut répondre que pour l’esprit. Mais alors, quel
esprit ? Le mien... qui n’est même pas un grain de sable ?
Celui des miens ? C’est à peine un grain de sable encore
!
Il ne reste alors que l’homme ! Celui qui doit
être une fois que nous serions parvenus à éradiquer consciemment et
volontairement l’inégalité conceptuelle. Pour cela, pour la venue
de cet homme-là, il nous faut sortir absolument en effet de cette inégalité
conceptuelle qui nous sert de moteur depuis des millénaires...
J’ai déjà dit que je n’ai qu’un bien, un seul :
l’homme ; et j’ajoute que c’est le seul que personne ne peut m’enlever,
pas même le destin...
Alors, mettre du sens ce ne peut être que pour lui.
Comment ? Par lui, bien sûr !
Pourquoi ? Parce que lui, justement !
La seule véritable synthèse selon moi, c’est de regarder le passé et avoir le courage et l’intelligence d’en souligner effectivement les égarements… sans honte et en toute conscience. Au premier rang de ces égarements, il y a le fait de jeter des hommes en pâture à d’autres hommes, sans hésiter, sans sourciller ... parce que prêt à recommencer... encore et encore !
DEMAIN : |
C’est ici que je me dois de fournir un éclairage sur l’historique du Musée Virtuel du Mot.
En effet, à l’origine ce ne sont pas les Mots qui m’ont servi
de balises ; non, ce sont les réflexions. Des réflexions ayant pris forme
et s’étant imposées, il a fallu trouver l’expression qui les servaient le
mieux ; ce furent les Mots. Par la suite, ceux-ci à leur tour, ont
poussé la pensée vers d’autres horizons et ont mis en lumières d’autres
facettes possibles mais non exclusives du terme...
Je dois le préciser pour que chacun comprenne que le mot ne
fut jamais une origine mais un aboutissement. La seule origine, l’origine
véritable est, et ne peut être, que la propension à s’interroger… encore et
toujours !
Vous me proposez demain comme point de départ (de la
réflexion) ; comment la faire ? en faisant appel à la réminiscence ?
A la clairvoyance ? A la réalité ? ... J’ai choisi synthèse !
Or ce choix, synthèse, ne peut rendre demain qu’aujourd’hui,
pour dire l’éternité. Le musée propose :
AUJOURD'HUI
"Je vis aujourd'hui ; mais ce n'est pas aujourd'hui qui
m'intéresse. J'attends demain serein et confiant, mais un fond d'angoisse
demeure, et ce n'est pas demain qui m'intéresse. J'aspire à l'Éternité.
J'aspire à l'Incommensurable non comme individu mais comme Être, comme une
infime parcelle du Tout, insignifiant avorton, mais irrévocablement partie
intégrante de l'existant.
Mon temps n'est, et ne peut être, qu'un battement à peine
remarqué ; mais il est du Tout ; il est de l'Éternité."
Voilà pourquoi, comme je vous l’ai dit : "j'ai mis demain
et hier dans aujourd’hui, mais uniquement pour moi ; sachant
qu’à travers les trois : demain, aujourd'hui et hier, la seule certitude est
hier ; tout le reste en dehors de cette certitude n'est que construction,
ou alors un éphémère temporel dont le moteur reste l’espérance cependant... C'est
cela précisément qui nous porte à mettre un pied devant l'autre… contre vents
et marées...
Au fait, le seul évènement du futur dont nous sommes certains
est notre mort... une évidence n'est-ce pas ?
EPILOGUE.
Voilà ce que je peux dire des Mots que vous m’avez proposés –
en les accompagnant d’un contexte ou non – ils sont mis par moi au-delà du Musée,
car je les ai placés volontairement dans les interactions.[16]
Je les ai placés également en dehors de tout dogmatisme ;
vous l’avez compris.
Enfin, je tiens à dire que mon propos à leur sujet n’est
qu’une ébauche, et cela ne peut être qu’une ébauche qui ouvre à l’échange, qui
ouvre au dialogue…comme tout Le Musée Virtuel du Mot.
Paul
G. Aclinou septembre
2023
[1] Le
vodoun : leçons de chose leçons de vie ; p. 440
[2] Le
vodoun : leçons de chose leçons de vie ; p. 293
[3] Le
vodoun : leçons de chose leçons de vie ; p. 300
[4] Le
vodoun : leçons de chose leçons de vie ; p. 284
[5]
Les deux, mémoire et réminiscence sont déployées plus explicitement par
Aristote dans :" traité de la mémoire et de la réminiscence.
Περὶ μνήμης καὶ ἀναμνήσεως ;
https://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/memoire.htm
[6]
L’importance du propos d’Aristote est telle que Michel Foucault le déploie dans
son cours au collège de France de l’année 1970-1971 ; ce sont ses "Leçons
sur la volonté de savoir." (Gallimard/Seuil). Michel Foucault
écrit : "…la première phrase : Tous les hommes désirent le
savoir par nature 11• Phrase qui implique, bien clairement, trois thèses :
1 o il existe
un désir qui porte sur le savoir,
2° ce désir est
universel et se trouve chez tous les hommes,
3° il est donné par la
nature. - De ces thèses, Aristote va donner les preuves.
[7]
Toutes les citations du passage proviennent du site :
https://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphysique1.htm.
[8]
L’ouïe, car c’est elle qui par le langage nous permet, outre de communiquer,
mais surtout de déployer la réflexion et les interactions avec l’autre.
[9] En
page 605 de "Comprendre les fondamentaux du vodoun", nous
avions souligné ceci en précisant qu’il y a conformité entre la vision
d’Aristote et les conditions de la cognition que défini le vodoun avec les
axes ; axe Est-Ouest, axe de l’observation, axe Lêgba qui prime sur l’axe
Nord-Sud, axe du conceptuel, axe de Fa.
[10]
Idem ; p.605.
[11]
Il me faut préciser que "bon sens" n’a rien à voir avec le
"politiquement correct" qui nous sert de paravent et de refuge.
[12]
J’ai défini ailleurs la notion d’inégalité conceptuelle. Elle
consiste à faire d’une différence, une inégalité et d’en tirer
des conséquences dans les interactions et dans les actes.
[13]
N’est-ce pas le cas de Giordano Bruno ? Pour ne citer qu’une victime…
[14]
Voir Le vodoun, leçons de choses, leçons de vie, p. 265 – 368.
[15] Le
Musée Virtuel du Mot, vérité ; seconde édition, p. 169.
[16]
Au sens de ce qui définit l’Être selon moi. Voir Comprendre les fondamentaux
du vodoun ; p. 616.
COMPRENDRE…LES FONDAMENTAUX DU VODOUN
LE VODOUN : UN AUTRE REGARD
Par ses fondamentaux, Le vodoun, mode d’existence, s’adresse à
l’Homme ; il est explicitement destiné à notre temps. On peut en juger
par :
Le mythe du
bouc du roi, qui traite de la gouvernance des hommes. Qu’on songe par
exemple au "projet Pegasus" et les débats qu’il suscite.
Le mythe de
l’emplacement du sexe de la femme qui aborde nos préoccupations sur la bioéthique.
Ainsi des débats sur la GPA, la PMA, les thérapies géniques…
Le mythe du
cotonnier, qui traite de la préservation de la nature qui relève
directement de notre responsabilité. Question, oh combien d’actualité !
Le vodoun est une construction avec des choix délibérés qui ont une
réflexion approfondie à leur base. C’est l’œuvre d’hommes et de femmes – les
fils de la pensées - qui connaissent la nature intime de l’être humain, son
caractère ritualiste et sa nature prédatrice.
C’est aussi le refus absolu du dogmatisme, laissant toute
responsabilité à l’homme. Un refus qui s’interdit de faire de l’Être-Suprême,
Dieu ou équivalent, le paradigme de la prédation entre les hommes.
L’AUTEUR :
Paul Aclinou est né au Bénin. Il
invite à une réflexion sur l'Homme et ses sociétés, avec pour point de départ la
pensée des peuples du golfe du Bénin : le vodoun, une culture qu'il invite à
découvrir en profondeur. Paul Aclinou, docteur ès Sciences, est aussi titulaire
d’une licence de théologie (baccalauréat canonique).
COUVERTURE :
Boccio ; coll. Claude Rouyer ; réf. RC
/ B / Fr 0031 ; photo : Michel Pinier (www.mphoto.book.fr)
UN MOT... COMME INVITATION À LA
RÉFLEXION.
(extrait du musée virtuel du mot)
AMITIÉ
Il est plus redoutable de perdre une amitié que de perdre un ami. (La
Cuvée)
AMITIE
La plus belle est celle qui n’exige pas de nous que nous épousions ses
haines et ses amours.
AMOUR
En fin de compte, l'homme n'a qu'un amour... un seul quoi qu'il en dise :
lui – même !
AVANIE
L'avanie est à l'homme ce qu'est le chiendent pour un champ de blé :
l'anéantissement.
BAGAGE
Que faut – il de bagages à l'homme... quand l'essentiel est en lui !
BAISER
Ce n'est pas mal ce truc, pas mal du tout...
jusqu'à ce que vienne Judas.
BARATINEUR
Celui qui dit les choses très ordinaires de façon peu banale. C’est une
stratégie bien sûr !
BIEN
Le contraire du Bien n'est pas le Mal comme on pourrait le croire, mais
l'ineptie ; car, c'est cette dernière qui nous fait sortir de l'humain.
BIEN
Notre seul bien est
l’homme ; il est notre unique bien, véritablement… en cela que c’est le seul
que personne ne peut nous enlever… pas même le destin.
BRANCHE
Si la puissance de ton ennemi est encore trop importante pour tes moyens,
sois alors la branche sur laquelle il est assis.
CAMELEON
Si j'en crois Kierkegaard, à chaque femme correspond un type d'homme ; il
ne lui resterait plus qu'à le trouver pour être heureuse. Bon ! Seulement voilà
mesdames, il y a beaucoup de caméléons.
CERTITUDE
C'est un fauteuil dans
lequel nous aimerions nous installer en toute quiétude, et là, je ne vois que
la tombe pour tenir le rôle. Seulement voilà, cela répugne fort, n'est - ce -
pas ?
CONTRADICTION
Toute contradiction
est un mur qui se dresse sur le chemin du sage et qui l'invite à la pensée ;
alors, ne rechignons pas !
COPINE
Voilà un mot qui bouche l'horizon... si, si ! Vous voyez, du temps du
père de mon père, on disait " fiancée
" ; c'est délicieusement vieillot mais joli ; c'est beau, et ce mot fleure
bon l'avenir. C'est l'espoir ; il y a des promesses qui y sont enchâssées ; ce
mot suscite l'élan vers les lendemains ; il incite à porter le regard vers
l'avenir et vers le destin. Tandis qu’avec "copine," c'est
l'incertitude qui est tapie à la porte ; avec copine, on se place
voluptueusement dans la marmelade du quotidien. Croyez - moi, tout raccourci
n'est pas bon à prendre.
COQUETTERIE
C’est une ombre, mais
elle suffit à vêtir les âmes simples.
DEVISE :
Fluctuat nec mergitur.
Ce pourrait être la devise de l’homme Noir. Il reste debout contre vents et
marées. Il reste debout envers et contre tous. Il reste debout, millénaire
après millénaire. Il reste debout, massacre après massacre. Il reste debout,
mais il n’a pas pu compter ses morts.
DIEU
Il n'y a de Dieu que Dieu, c'est entendu ; quant à ses prophètes, allez
savoir, les voies du Seigneur étant impénétrables
DISCOURS
Le discours dit autant
qu'il cache ; le sot écoute et applaudi pendant que le sage entend les deux.
DISCRETION
C'est le silence qui
tient compagnie à la parole.
DONNER
On donne avec la raison, et on offre avec le cœur.
DOUTE
Accoudoir du sage.
ESPRIT :
Un esprit bien nourri
s’ouvre des univers insoupçonnés.
ETERNITE
Nous sommes arrivés à la science en courant après le pain et après Dieu ;
seulement voilà, l'un et l'autre se dérobent continûment. Et si l'éternité
était cette double dérobade ?
ETERNITE
En se tournant vers l'Éternité, Cioran dit perdre pieds. Comment peut-il en
être autrement ; l'épouvante n'ayant pas de fond.
ETINCELLE
Et si l'homme était un guetteur... Un guetteur de lumière qui vit tant
qu'il reste à son poste. Hélas ! Beaucoup se lassent trop vite, et alors, en
eux s'éteint l'étincelle ; en eux s'éteignent et l'espoir et l'éternité.
ÊTRE
Ne
peut être que ce qui entre en interaction… soit qu’il relève de l’axe
Est-Ouest, soit qu’il relève de l’axe Nord-Sud, les deux seules catégories
véritables.
FAIBLESSE
Même petite c’est une géante qui nous éloigne le plus sûrement de nous –
même ; alors, un effort !!!
FEMME
Hum ! Délicieuse vipère ! Oui, quel plaisir en effet quand elle sait être
femme ; et quel délice quand elle sait être homme, le corps et l'esprit. Ah !
j'allais oublier ; trouvez d'abord l'esprit ; pour le corps, on peut toujours
arranger ça.
FEMME
Femme ! Femme ! Quelle idée Dieu a eu de nous la foutre entre les côtes !
Mais s'Il ne l'avait pas fait, qu'est-ce qu'on L'aurait engueulé !
FICELLE
C’est la différence qu’il y a entre le saucisson et le Saint Esprit...
selon Marie.
FLEUR
La fleur qui vient d'éclore est déjà vieille de jours, de mois et d'années
consommés.
FRERE
Ne
célèbre pas ton frère si cela doit signifier la mort de son ennemi, car seuls
les vivants se réconcilient.
GOUROU
Un homme à deux têtes, celle qui vous observe et celle qui surveille votre
porte - monnaie.
HESITATION
Un méchant homme, capable d'une seconde d'hésitation est aux portes du
salut ; alors, patience et sérénité !
HONTE
" Faire honte à ton ennemi en
public, c'est comme si tu le tuais" nous enseigne - t - on. On peut
ajouter que le faire en privé est tout aussi assassin car, l'âme se
recroqueville et laisse mourir et l'élan et l'épanouissement.
HUMILITE
Ce n'est ni un habit ni un déguisement, mais un piédestal sur lequel il
faut savoir s'installer avec élégance ; hors de portée de beaucoup.
IDÉE REÇUE
Contrairement à ce que
l’expression laisse entendre, l’idée reçue n’est pas une idée, mais un couteau
Suisse dont la fonction est de servir de barrage au bon sens et à toute
velléité de réflexion.
IGNOBLE
Pourquoi veux – tu dire à ton frère qu'il est ignoble ? Il le sait ! il le
sait bien avant que tu ne t'en aperçoives.
INSOLENCE
Ne remplace pas l'intelligence ; mais c'est là une question de moyens.
LARMES
"Au Jugement Dernier, on ne
pèsera que les larmes. " Redoutable perspective qu'offre - là, Cioran
aux désespérés. Alors, non ! ...mais, je l'ai dit ailleurs.
LEKH LEKHA (c'est de l’hébreux)
Feuille de route dont le contenu peut se lire : " En avant, marche ! " (Je traduis très approximativement bien
sûr.) Sortant du chaudron, Abram ne pouvait l'ignorer.
LUMIERE.
Toute
parole n’est pas lumière, et quand bien même elle le serait, ta route ne
s’arrête pas là.
MALHEUR
Malheur à l'homme qui ignore le désir secret d'une femme ! On vous l'a dit
: il faut savoir lire entre les lignes... Oh ! que dis - je ? ... Lire entre
les jambes, surtout quand c'est écrit en braille.
MEDISANCE
Meurtre. C'est un meurtre en effet, car, l'âme est atteinte d'une blessure
qu'aucun onguent ne peut soigner.
MENTEUR :
C’est
celui qui enlève aux mots leur caractère naturel … c’est de
l’assassinat !
MIRACLE
Pourquoi
Dieu violerait ses propres lois ? Et puis, ce serait un abus de pouvoir,
non ?
MISERE.
Si la misère ne ramène
pas l’Esprit à la conscience, ce n’est pas la richesse qui le fera ; car, celle
– ci adhère comme la lèpre au corps et fini par opacifier le jugement nous
rendant ainsi incapable de mesurer la splendeur et l’universalité humaines.
MOMIE
Si au sortir de l'adolescence l'homme momifie sa conscience, alors, tout
est perdu.
MOT
Un mot, puis un autre, et la joie apparaît. Un mot plus un autre, et la
colère s'installe. Il faut finalement peu de choses pour cheminer ensemble
comme pour se haïr à l'extrême ; tels sont les hommes ; telle est la vie.
MOT
Le mot devrait être avant tout une brique de conscience ; il suffit de
quelques-unes à certains pour en faire un palais. Avec deux trois un poète bâti
un univers, tandis que le vulgaire en consomme à profusion pour bâtir à peine
un taudis.
MOT
Trop de mots, ça fatigue ; ce serait sans fin et aboutirait aux
maux ; alors, pourquoi dire en vingt mots ce qui peut l’être avec
trois !
MOURIR
Qui voudrait mourir à vingt ans ? Personne, je crois ; pourtant, chacun
s'étonne et s'agace quand la pile des ans s'allonge.
NEANT
Corrigez - moi, si je me trompe : quand on additionne la Conscience au
Néant, on obtient le Nirvana ; c'est cela ? Mais alors, quand on y ajoute le
Scepticisme, qu’advient-il ?
NOMMER
Nommer, c'est le commencement de la conscience ; c'est aussi celui de l'Éternité.
NOUILLES
En arrivant dans un restaurant, gardez-vous de demander si on sert les
nouilles.
OUI
Que vaut le oui de celui qui ne sait pas dire non, et d’abord à
lui-même ? ...Pas grand-chose !
PERFECTION
Allure du présent observée à la jumelle du futur, les coudes reposant sur
le passé. Seulement voilà, les règles de la perspective se fondent dans
l'éternité.
PIÈGE
Celui de la peur est
de loin, ce qu’il y a de plus redoutable pour l’Homme et ses sociétés.
POSSIBLES
Tous les possibles sont dans l'homme comme ils sont dans le monde ; que le
temps s'annonce et que le jour se lève, aussitôt, ils submergent le monde.
Voilà pourquoi quand vient l'heure le sage se cache et se tait.
PRIERE
Pourquoi voudrais-tu que Dieu entende ta prière si toi - même tu ne
t'écoutes pas ?
REGARD.
Le regard nous porte
vers l’autre ou nous en éloigne bien avant que nos pieds ne le fassent ;
peu de choses suffisent à le modifier, et parfois de façon irréversible.
RETENUE
La
retenue est fille de toute dignité avant même d’être fille de la prudence.
RIDICULE
"Le ridicule tue ". Hum
? Et l'homme est encore en vie ?
SCIENCE
Ce sont les faits qui
font la science, pas les opinions ; les faits, c’est-à-dire tout ce qui
peut se passer, une fois établi, de l’homme comme tuteur.
SERPENT
Le serpent nait du serpent.
Si tu fais avaler des couleuvres à longueur de journée à celui qui est en
face de toi, ne t'étonne pas qu'il finisse par te cracher une vipère à la
figure.
Le serpent nait du serpent.
SILENCE
C’est le seul lieu qui soit digne de ma souffrance comme de ma joie ;
c’est le seul d’où mon regard n’abandonne pas l’autre et son être.
SOUFFRANCE
Ne
crie pas trop fort ta souffrance, afin de pouvoir entendre aussi celle de
l’autre.
SOUFFRANCE
Prends
garde que ta souffrance ne devienne pas un poignard entre tes mains, et
souviens-toi que les poignards les plus redoutables ne sont pas en acier.
SOURIRE
Contente- toi de sourire, si le scorpion te demande ce que tu penses de la
vipère. Cela pourrait être un conseil de Fa.
TENDRESSE :
Sourire de l'âme ; hélas ! Certains en sont désespérément dépourvus.
TITUBER
Il n'y a pas que l'alcool qui fait tituber, l'ignorance aussi. L'ignorance
et l'ineptie, celles qui amènent à donner un coup de pied dans chaque caillou
qui se trouve sur le chemin.
ULTIMATUM
Selon Cioran, tout désespoir est un ultimatum à Dieu ; Job prétend que Dieu
y répond toujours... je serais de cet avis ; et vous ?
VENT
Le vent emporte tout, sauf la misère ; c'est - à croire que celle - ci est
d'une densité incommensurable.
VÉRITÉ.
Pour beaucoup d’entre
nous, c’est une cassette fermée qu’on s’interdit le plus souvent d’ouvrir afin
d’y supposer ce qu’on veut.
VIDE
Il n'y a que celui qui est vide qui essaie de remplir son temps ; son
désespoir est inévitable.
VIVRE
Vivre,
c’est avancer dans un champ d’espérance.