Quelques
précisions pour commencer à propos des façons d’écrire vodoun et le sens du mot.
L’écrire :
La
France, et d’une façon générale, l’Europe a connu ce mode d’existence que
beaucoup considère comme une religion à partir d’Haïti ; depuis quelques
décennies, on sait qu’il vient d’Afrique, du golfe du Benin plus précisément.
A
Haïti où il est arrivé par la traite négrière, on écrit vaudou ; or selon
moi, rien ne justifie qu’on rende le son "O" par les lettres
"AU". Pour respecter l’usage des locuteurs d’où vient le vodoun, j’ai
écrit "vodou" le plus
souvent tant à travers mes articles que dans les interviews ainsi que dans
l’ouvrage Une pédagogie oubliée, le
vodou. C’est là un premier
correctif ; je me suis expliqué là-dessus. Mais quand on entend les
peuples du sud Benin parler, le vocable vodou se termine par un son Ñ, un N
très nettement perceptible, d’où, pour être en totale conformité avec les
locuteurs concernés, il convient d’écrire vodoun, ce que je fais désormais, en
particulier dans le prochain ouvrage à paraître. J’ajoute que nous rencontrons
de plus en plus l’écriture vodou à côté de vodoun et parfois aussi encore de
vaudou, cette dernière façon d’écrire le mot doit à mon avis être proscrite,
mais l’essentiel n’est pas là.
Le sens :
Quant
au sens du terme, on le rend dans les pays occidentaux par divinité ; la réalité est plus complexe, car on n’observe pas
dans la région un concept générique qui serait divinité.
Par
contre le concept d’esprit existe
dans le sens d’Être spirituel ;
de tels Êtres portent le nom de Yèhoué,
(le h n’est pas aspiré, se prononce
donc comme le h dans houe) ; le Yè étant l’âme avec le sens occidental du terme ; un vodoun n’est jamais considéré comme un yèhoué
dans la région ni l’inverse. Yèhoué est parfaitement intégré dans le mode
d’existence, ainsi, d’une personne âgée
qui meurt, on dira qu’elle est devenue un esprit, un yèhoué ; c’est le véritable
fondement du culte des ancêtres ; car comme dans le christianisme et
ses saints qu’on prie, on peut solliciter dans la culture vodoun,
l’intercession des ancêtres, puisqu’ils sont désormais des esprits. Ce sont de
fait, les seuls "Êtres spirituels" que la pensée de cette culture
considère ; il n’y a ni démons ni anges… ou autres. Voilà également
pourquoi parler de réincarnation n’a pas de sens car, une fois devenus esprits,
on ne voit pas les ancêtres renaître, le culte des morts perdrait toute
signification.
Un
second concept existe dans cette culture, celui de choses inconnues, de choses qu’on ne connait pas encore. Ce sont ces "choses" qu’on rend
par le terme vodoun.
Par
exemple, pendant longtemps, on ne comprenait pas les naissances gémellaires, on ne savait pas les expliquer ;
les jumeaux étaient donc considérés comme des vodoun. Aujourd’hui encore il y a
un rituel propre aux jumeaux, c’est la persistance d’anciennes idées, même si à
présent, les rituels pour les jumeaux relèvent davantage de considérations
sociétales.
Nous
avons également les enfants qui naissent avec des déficiences, surtout mentales ;
ils sont considérés également comme des vodoun,
dès lors qu’on ne s’explique pas ces écarts à la normalité. Par exemple, les
enfants trisomiques sont dits "To-Hossou".
Un To-hossou, c’est littéralement un
"roi ou prince des cours d’eau."
Ces enfants sont considérés comme des vodoun
qui sont supposés aquatiques… On parle de "divinité" bien sûr, mais
c’est par faute de disposer d’un terme plus adéquat pour la communication avec
le monde occidental. En clair, un vodoun n’implique pas la notion de foi ;
on y fait appel par "héritage" ; on y fait appel parce qu’on
pense que les vodoun peuvent aider à régler certains problèmes moyennant
rétributions ! C’est exactement comme faire appel à un médecin parce qu’on
pense qu’il va pouvoir vous soigner, et vous le payez… et si on constate qu’il
n’est pas si compétent que cela, on n’hésite pas à en changer… eh bien, faire
appel au vodoun, c’est la même chose ! On jette le fétiche s’il n’est pas
"efficace" ! Voilà pourquoi je parle de mode d’existence.[2]
En
toute rigueur, un vodoun comme divinité peut recouvrir plusieurs réalités.
A/ - Il peut s’agir d’une croyance
qui divinise une manifestation ou une force de la nature, c’est l’animisme classique ; c’est le cas
le plus courant. Par exemple, le dieu de la variole, le dieu sakpata.
B/ - Il peut s’agir d’un phénomène
naturel divinisé pour recouvrir un enseignement très important. C’est le cas du
dieu de la foudre, le tonnerre : hêbiesso
ou hêviesso ou shango[3].
C/ - Il peut s’agir enfin d’un
concept pur, qui est porteur d’une pédagogie à déployer. C’est le cas des dieux
Fa[4] et Lêgba[5].
Dans
les cas B et C, le rituel masque souvent la pédagogie, il faut donc l’écarter
pour accéder au concept et à l’enseignement ; mais c’est grâce au rituel
que nous pouvons aujourd’hui accéder à ces concepts et donc expliciter et
étendre l’enseignement qu’ils portent.
Il
s’agit de quelques divinités seulement, mais qui recouvrent l’essentiel des
valeurs du mode d’existence qu’est la culture vodoun.
[3] Paul Aclinou, une pédagogie oubliée, le vodou, édit. l’Harmattan, Paris 2007. Page
192 et suivantes.
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